The end of faith: religion, terror and the future of reason
de Sam Harris

critiqué par Oburoni, le 17 janvier 2010
(Waltham Cross - 41 ans)


La note:  étoiles
Contre la foi
"Il y a des religieux modérés et des religieux extrémistes, et leurs diverses passions et projets ne doivent pas être confondus. L'un des thèmes central de ce livre, cependant, est que les religieux modérés sont eux-même les porteurs d'un terrible dogme : ils s'imaginent que le chemin vers la paix sera pavé lorsque chacun d'entre nous aura appris a respecter les croyances injustifiées des autres. J'espère montrer que l'idéal même de tolérance religieuse -né de la notion que chaque être humain devrait être libre de croire ce qu'il veut a propos de Dieu- est l'une des forces principales nous menant vers l'abime."

Lucide, éclairant, plein de force, courageux, "The End of Faith", même s'il n'est pas sans faux pas, reste l'un de ces rares livres dont les phrases s'avalent comme de grandes bouffées d'oxygène bienfaitrices.

Le militant athée Sam Harris, posément mais clairement, montre que la foi -celle qui s'appuie sur des livres "sacrés", donc intolérante à moins d'être influencée par la pensée humaniste- est dangereuse, que la tolérance à son égard est pernicieuse, et que c'est seulement par une remise en cause de cette dernière et du relativisme culturel qui nous ont menés où l'on sait que l'on pourra résoudre bien des maux voire éviter le pire.

Alors, bien sur, il est possible de croire en Dieu et aux textes sans être un extrémiste. Il en est conscient, il montre surtout qu'une telle approche de la foi n'a été rendue possible que dans des sociétés marquées par le libéralisme, l'humanisme, la libre-pensée. De tels croyants, bénins, ont été forcés depuis longtemps d'adopter une approche, hypocrite certes, mais au moins inoffensive des textes. Ils se balayent d'un revers de main :

"La modération religieuse est le produit de connaissances laïques et d'une ignorance des textes. Ces textes sont sans équivoques (...)"

Le problème reste que libéralisme, humanisme et libre-pensée n'ont pas pénétré toutes les parties du monde et le résultat, des théocraties à visages plus ou moins découverts, est désastreux dans des sociétés formées uniquement par la pensée religieuse.

On pense bien sûr à l'Islam, dont Sam Harris -Coran à l'appui- montre la nature agressive, prosélyte et intolérante, mais ce n'est pas le seul accusé à se tenir dans le box. Chrétiens, Hindous et autres savent eux aussi, au nom de leur foi, se joindre au lot.
Combien de pays sont tirés vers l'instabilité politique, les guerres civiles, le terrorisme et des théocraties menaçantes tout cela à cause de fidèles en un dogme ou l'autre ? A l'heure où l'on entre dans le XXIème siècle, avec les armes chimiques, bactériologiques et nucléaires que l'on connait à disposition, au nom de quoi devrait-on encore tolérer la foi, même la considérer comme étant nécessaire ?
Au contraire, le prix à payer pour notre tolérance est devenu bien trop lourd.

"Nous savons tous que les êtres humains sont capables d'incroyables brutalités, la question que l'on ferait bien de se poser est : quelle sorte d'idéologie les y rend les plus aptes ?"

"Avant que vous ne finissiez ce chapitre quelqu'un quelque part dans le monde va mourir à cause de ce que quelqu'un d'autre croit à propos de Dieu."

Alors : pourquoi tolérer la foi ? Pourquoi la considérer comme un bastion libre de toute critique auquel on devrait même -le comble !- montrer du respect ? Une telle position est devenue intenable et immorale dans le monde actuel.

Le pire est que le problème va au-delà des pays en voie de développement.

Sam Harris étant américain il ne lui faut pas aller bien loin pour démontrer en quoi la croyance fidèle aux superstitions de la Bible peut avoir de tristes conséquences; en politique intérieure ( homophobie, créationnisme, frein au progrès scientifique etc... ) mais aussi extérieure. Il rappelle que ce sont en effet les délires eschatologiques du livre des Révélations qui aident à façonner la politique des Etats-Unis vis-à-vis du Moyen-Orient...

Inquiétant, là aussi on se demande : la foi est-elle vraiment un bienfait ? Une nécessité ? Ou continuer à l'accepter au nom d'une tolérance qui s'égare nous mènera-t-il à notre ruine ?

De la Bible au Coran il n'y a pas un livre dit "sacré" qui ne soit pas une boite de Pandore constituant, entre les mains de certains fidèles, une menace pour l'avenir de l'humanité entière. Si un monde sans foi reste malheureusement une utopie, celle-ci peut toutefois être domestiquée comme le sont nos pires pulsions. Lire "The End of Faith; religion, terror, and the future of reason" c'est comprendre que la tolérance et le respect qui trop souvent l'entoure n'y aideront sûrement pas.