Cendrillon
de Éric Reinhardt

critiqué par Nothingman, le 9 janvier 2010
(Marche-en- Famenne - 44 ans)


La note:  étoiles
La vie rêvée des autres
Il était une fois Cendrillon, le quatrième roman d' Eric Reinhardt. Sans aucun doute le plus ambitieux, mais aussi le plus réussi. Ce roman, qui s'étire sur plus de 500 pages, part d'une simple question. « Que serais-je devenu si je n'avais pas rencontré Margot à vingt-trois ans? » Que serait devenu cet auteur si cet événement déterminant de sa vie n'était pas survenu? Serait-il devenu trader dans le milieu boursier? Serait-il devenu un loser prêt à commettre un acte de folie pure? Dans ce roman, Eric Reinhardt interroge ses doubles fictifs, dont il entrecroise savamment les vies. Il y a donc, tout d'abord, Laurent Dahl, un jeune trader grisé dans la spirale des hedge funds, qui jongle avec l'argent comme d'autres avec des balles de tennis. Personnage absolument prémonitoire quand on pense que quelques mois plus tard survenait l'affaire Kerviel. Du nom de ce trader français qui a failli faire crouler la Société Générale avec ses jeux boursiers insensés. Dans ces quelques pages, Reinhardt retranscrit à merveille le milieu boursier et décrit avec brio et dans des termes clairs quelques unes des principales opérations que les traders sont amenés à réaliser au quotidien. Autre personnage, autre double littéraire: celui de Patrick Neftel, genre de larve, reclus dans sa chambre, depuis le suicide de son père à la fourchette en plein milieu d'un dîner de famille. Avachi devant sa télévision, il fomente un acte désespéré, digne de Richard Durn, qui avait criblé de balle la moitié du conseil municipal de Nanterre, il y a quelques années.
Le dernier personnage est Thierry Trockel, un ingénieur en poste en Allemagne. Il est dans un train, avec sa femme, qui l'emmène vers un couple échangiste rencontré sur internet.
Le récit de ces trois vies, menées en parallèle, est rythmé par des digressions inattendues: la plus belle est sans doute sur l'automne, la saison préférée de l'auteur; la déliquescence de la classe moyenne, l'une des obsessions de l'auteur; la finance et ses excès; le fétichisme du pied et l'influence d'internet.
Dans un premier temps, Cendrillon déroute, mais s'apprivoise petit à petit. Ce roman est un formidable puzzle littéraire. Plus on en assemble les pièces disparates, et plus le sens se fait jour.
Pour, au final, un vrai bonheur de lecture.
des hauts et des gouffres 7 étoiles

je n'avais jamais lu un livre aussi inégal, des pages passionnantes, et d'autres d'un ennui abyssal (que j'ai souvent lu en "diagonale"); il y a 4 personnages dans ce livre, dont l'auteur lui même, ils ne se croiseront jamais, mais on passe de l'un à l'autre par le biais de chapitres assez courts (enfin il n'y a pas vraiment de chapitres en fait..);
Les passages les plus ennuyants sont ceux où l'auteur raconte ses journées, des longueurs presque éternelles... Eric Reinhardt préfère l'automne, rapidement je m'en suis pas mal fichue, mais ce sujet envahit beaucoup trop de pages (comme ce sujet passionne l'auteur, au cas où il lirait mes lignes, pour ma part je trouve que chaque saison a son charme, il ne faut pas oublier que chacune existe grâce aux 3 autres, à la fin de chaque saison j'ai plaisir à retrouver la suivante; stop j'ai moi aussi fait trop long...), ensuite sa discussion à une terrasse de café avec Mr Louis Schweitzer, là encore on finit par s'ennuyer ferme (les actionnaires mènent le monde, désolée on le savait déjà...)... et au fils des pages à chaque fois que l'auteur nous revient l'ennui est exponentiel... De plus j'ai zappé (entre autres..) le passage : personnage 1 personnage 2 personnage 3 etc...(bon pour me comprendre il faut lire le livre...);

Apparté : De plus un grand manque d'élégance (et c'est un euphémisme...) de la part d'Eric Reinhardt quand il décrit (dans sa narration) de façon très méprisante une actrice très facilement reconnaissable, à contrario de sa grande déférence envers Louis Schweitzer... ces 2 passages laisse filtrer quelques traits de son caractère ou plutôt de sa mentalité...pas terrible...ou immense maladresse..

Heureusement l'auteur nous raconte la vie beaucoup plus intéressante de 3 autres personnages;
les 2 protagonistes les plus "captivants" sont Patrick Neftel et Laurent Dahl, pour le premier j'ai rarement lu un livre avec un personnage aussi bien décrit, rien ne nous est épargné, c'est si bien écrit que l'on serait parfois presque "gênés" de rentrer à ce point dans l'intimité de ce personnage (assez ignoble..); Pour Laurent Dahl sa chute inéluctable est également très bien écrite; la psychologie de ces 2 personnages est passionnante, Eric Reinhardt maîtrise parfaitement son récit et la logique de leurs parcours;
Donc un livre avec des pages passionnantes et d'autres avec autant d'ennui c'est rare!(l'impression que ce livre aurait été" écrit pas 2 écrivains différents...); de ce fait j'ai voulu lire un second livre de cet auteur, j'ai lu le livre "Existence", mais pas de chance, c'est le côté ennuyant de l'auteur qui "martyrise" toutes les pages, malgré ma persévérance j'ai fini par abdiquer à la moitié du livre; Mais je ne renonce peut-être pas à un 3e essai...je cherche un livre "accompli" de cet auteur;

Nickie - - 63 ans - 5 avril 2016


Mythologique 8 étoiles

Honnêtement, un plutôt bon roman. J'ai longtemps critiqué Reinhardt pour son dernier livre parfois incohérent, et du fait qu'il faut se méfier - par principe - de ces auteurs ultra primés qui donnent si souvent naissance à tant de ces clébards mondains, ou savants perroquets diplômés de HEC au language tellement ronflant... Mais là, point de manières. Cendrillon est une excellente histoire d'un vrai écrivain qui ose prendre le taureau par les cornes, tout en nous parlant des névroses de la société moderne. Je confierais d'ailleurs, qu'on en regrette juste en fait la fin presque étrangement soudaine.

Monde Vrai - Long Beach - - ans - 21 février 2012


Nos vies rêvées 9 étoiles

Cendrillon fait partie de mes meilleures lectures de ces dernières années. Comme j'avais beaucoup apprécié "Le moral des ménages" c'est sans hésitation que je me suis procuré ce livre à sa sortie. Aussi bien le style que le contenu m'ont ravie (le style est brillant, foisonnant, riche, décousu mais sans jamais être incompréhensible ni logorrhéique).
Eric Reinhardt arrive à me surprendre et j'aime ça.
Le narrateur imagine sur 600 pages plusieurs destins parallèles. Il y a le narrateur qui n'est autre qu'Eric Reinhardt et puis Laurent Dahl, Thierry Trockel, Patrick Neftel qui sont ses avatars. Toutes ces vies s'entrecroisent, coïncident parfois mais ne se rencontrent jamais.
Impossible de résumer ce bouquin.
Le personnage de Laurent Dahl, jeune trader qui devient quasi fou, est comme le dit Nothingman, "absolument prémonitoire" de la catastrophe boursière à laquelle nous avons assisté il y a peu, ça donne froid dans le dos tant ce qu'il raconte s'est avéré réel. Ce milieu boursier est décrit avec intelligence et clarté, même pour quelqu'un qui, comme moi, n'y connaît pas grand-chose.
Ce livre me touche énormément car je me retrouve dans ce jeune homme désemparé parfois, qui se demande ce qu'il serait devenu s'il n'avait pas rencontré Margot à 23 ans, qui aime l'automne, le bon café….et le bonheur au jour le jour car il n'a pas d'autre choix.
Lecture difficile à conseiller car je peux imaginer que d'autres personnes le détesteront.

Maria-rosa - Liège - 68 ans - 14 janvier 2010