Je hais les dormeurs
de Violette Leduc

critiqué par Mieke Maaike, le 25 décembre 2009
(Bruxelles - 51 ans)


La note:  étoiles
Obsessions fantasmagoriques nocturnes
« Je hais les dormeurs. Ce sont des morts qui n'ont pas dit leur dernier mot. Ils méconnaissent la nuit quand elle est pleine. Je ne veux pas qu'on la répudie. Je veux que l'on se place sous les corbeaux qui abritent les terres de minuit avec leurs ailes ouvertes. » C'est par ces mots que la narratrice nous entraîne dans les méandres fantasmagoriques de sa nuit d'insomnie aux côtés d'un homme endormi.

Au fil de ce texte décousu aux sinuosités lugubres, elle erre entre ses désirs charnels inassouvissables, ses réminiscences obsessionnelles autour du corps inerte, le bouillonnement des sens lorsqu'elle touche cet être lui évoquant un état pire que la mort. « J'ai dans ma main le bistouri, le sécateur, la sonde, le revolver, les forceps, et tout cela ne me fait pas la main pleine... La semence du monde qui dort n'est que le superflu ballant du prolongement de l'aine. »

Ce court texte alliant provocation, érotisme et envies macabres a été écrit par Violette Leduc, l'amoureuse éperdue de Simone de Beauvoir, et a été publié une seule fois en 1948. Ce livre-ci est donc la seule réédition qui a la particularité d'être illustrée par des aquarelles de Béatrice Cussol soulignant par ses figures étranges et subliminales toutes les circonvolutions de l'écrit. Ce livre devient alors un petit bijou qui prend une dimension particulièrement évocatrice lorsqu'il est offert au moment d'approches préliminaires à de plus amples espérances charnelles.