Le faucon du désert, tome 1 : Martuba airfield
de Franz Zumstein

critiqué par Shelton, le 20 décembre 2009
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Un premier volet plein de richesse et porteur d'espérances !
C’est dans mon tout jeune âge que j’ai découvert la bande dessinée aéronautique avec la série du journal Pilote qui a enchanté mes temps libres, Tanguy et Laverdure. Il n’était pas question de série télé, encore moins de film, seulement des aventures de deux pilotes de l’Armée de l’air française qui découvraient, mettaient en valeur, exportaient l’avion fétiche, le Mirage ! Nos deux hommes étaient militaires, mais généreux et courageux, enfin surtout pour Michel Tanguy, drôles, enfin surtout en ce qui concerne ce pauvre Laverdure dont les gaffes multiples ont fait rire une génération de potaches qui avaient enfin un modèle…

Après Tanguy et Laverdure, je faisais entrer dans ma bibliothèque Buck Danny, Dan Cooper, Adler… C’est vrai que la troisième dimension fascine, voler est un mythe que l’homme a porté longtemps d’Icare à Léonard de Vinci, mais depuis qu’il est devenu réalité avec l’avion, entre autre, les aventures dans le ciel sont parmi les plus touchantes…

Est-ce encore le cas aujourd’hui alors que les navettes spatiales ont ouvert de nouveaux horizons et que le vol touristique, encore hors de prix, est entré dans les agences de voyage ? En découvrant le premier volume de la série Le Faucon du désert, Martuba Airfield, je me suis posé sincèrement la question. Qui allait s’intéresser à cette histoire ? Alors, bien sûr, on me dira que tous les fans d’aéronautique, ceux qui se précipitent au Bourget, aux grands rassemblements de montgolfières, ceux qui ne rateraient pas, pour aucun motif, les meetings aériens… sont bien assez nombreux pour rentabiliser cette série. Oui, mais ce serait bien dommage, car Le Faucon du désert mérite beaucoup mieux…

En effet, nous sommes bien dans une série aérienne. Les avions sont nombreux, nous en avons au repos, en plein désert, mais aussi dans le ciel en train de se livrer quelques beaux combats. Nous sommes en Libye, durant la seconde guerre mondiale, et ce sont des pilotes allemands et italiens que nous allons suivre non des alliés comme bien souvent dans des bandes dessinées franco-belges. Beaux combats, ai-je dit ? Oui, le mot est excessif, il s’agit bien de combats, de guerre, et la mort est omniprésente. Ali, le jeune pilote prodige dont il est question, revient de son premier combat, de son premier acte de guerre et est sur le point de sombrer :
« J’ai tué deux hommes. J’en ai vu brûler un dans l’explosion… »
Celui qui est son modèle, sa référence, un pilote allemand, tente de lui expliquer, de le guider, de l’accompagner dans ce passage de la jeunesse insouciante à celle de pilote de guerre :
« Tu ne vas pas le croire, mais beaucoup des nôtres ont éprouvé ce que tu ressens, et depuis ils prient pour qu’à chaque tir leurs victimes s’en sortent vivantes. »
Oui, cela peut sembler facile de tirer puis prier, mais ce qui me semble important c’est de voir que dans cette bande dessinée l’aspect humain et profondément cruel de la guerre soient bien mis en valeur. Ces pilotes ne sont pas des machines, ce sont des hommes !

Des hommes ? Alors ne soyez pas étonnés de découvrir dans ce premier album des histoires fondamentalement humaines, avec de l’amour, de l’humour, des illusions, des religions… c’est parce qu’il y a touts ces éléments, dès les premières pages, que l’histoire m'apparaît consistante et que j’ai lu les quarante-six premières pages et que j’attends avec impatience la suite…

On pourra bien, ici ou là, noter quelques incohérences, comme cette invention d’un simulateur de vol mécanique qui aurait permis au jeune homme d’apprendre à voler avant de s’installer au manche pour la première fois… Mahmud est ingénieux et bricoleur, mais quand même… Au moins Ali peut apprendre…

Ali et Aicha ont une belle aventure… Avec une hantise d’être découvert de certains… Mais aimer en temps de guerre est aussi une aventure périlleuse… Au moins cela permet à Franz Zumstein de ne pas dessiner que des avions et des carlingues détruites… Quelques beaux corps en action… Quel plaisir pour le lecteur !

Franz Zumstein est un auteur complet qui dans cette série nous offre le scénario, le dessin et la couleur… C’est un Suisse alémanique fort sympathique qui portait cette envie de raconter depuis longtemps. Il a été instituteur, puis a écrit une série en allemand – Les conquérants du ciel – et c’est maintenant, à 50 ans, qu’il entre réellement dans le monde de la bédé avec un album d’une grande maturité.

On attendra donc la suite avec impatience en espérant que l’auteur gardera le ton de ce départ, un ton profondément humain tout en nous plongeant dans un univers inhumain, la guerre !