La Peine du Menuisier de Marie Le Gall
Catégorie(s) : Littérature => Francophone
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Une quête poignante de (re)connaissance
Les mots Peine et Menuisier portent une majuscule, ils sont importants dans ce roman. La narratrice mentionne Le Menuisier, pas le nom de papa : il y a une telle distance entre eux. La Peine se rencontre à toutes les pages.
Marie Le Gall, originaire de Brest, est professeur de lettres à Fontainebleau. La Peine du Menuisier fait partie de la sélection du Prix Première RTBF radio et de la présélection du 23ème Festival du Premier Roman de Chambéry.
La narratrice plonge le lecteur dans l’univers particulier, secret, taciturne des Bretons, ceux de la terre mais si proches de la mer. En adéquation avec leur climat, l’ambiance même du roman baigne dans une brume où chaque personnage courbe l’échine pour mieux résister aux vents et pluies. Le Breton est tenace, réservé, pudique et chaque famille tient ses secrets. Marie, l’héroïne du roman, part en quête de ses souvenirs d’enfance, de sa famille étalée car l’on ne compte plus ses cousins. Il y a des noms au cimetière, des photos couleur sépia, des visages impassibles que l’on voudrait faire revivre… pour savoir. Car il y a un long cheminement vers la connaissance des autres pour se connaître soi-même et trouver un apaisement à cette lente torture du questionnement.
Parallèlement à l’enquête de la narratrice sur les mystères de famille, le lecteur s’initie à quelques expressions et mots bretons et cela l’aide à pénétrer dans leur vie de tous les jours, une vie ardue, une langue parlée chez soi mais qui se heurte au Français de l’école.
Les éditions
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La peine du menuisier [Texte imprimé], roman Marie Le Gall
de Le Gall, Marie
Phébus
ISBN : 9782752904133 ; 20,00 € ; 20/08/2009 ; 283 p. ; Broché
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Les critiques éclairs (3)
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Mes disparus
Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 65 ans) - 4 janvier 2018
"Les mots n'étaient pas pour nous. Et quand parfois ils existaient, nous savions que ce n'étaient que de pauvres écrans. Les vibrations du silence étaient toujours les plus fortes. C’était quand je ne l'entendais pas que je l'entendais le plus et lui de même. C'est à dire tout le temps. Nous avancions dans un silence assourdissant."
Et ce n'est pas un hasard si son premier souvenir d'enfance est celui de la mort d'un enfant.
Elle grandit auprès de Jeanne, sa grande sœur handicapée, Louise, sa mère sourde, Grand-mère Mélie et le père qu'elle nomme Menuisier, entourée des portraits de tous les disparus de la famille. Celui du grand-père, des enfants, emportés par des maladies, des accidents, la guerre. Ou les portraits sur les images pieuses conservées dans les missels.
Pour Marie, cela est normal, rassurant parce qu'immuable.
"La mort était omniprésente dans nos vie. On était toujours en deuil de quelqu’un. Face aux cadres de la maison du Landais, je fis très vite connaissance avec les morts."
Il lui faudra attendre l'école pour connaître le mot "fête" mais aussi découvrir le secret de sa famille.
"Peu l'importe, puisque c'est par le mutisme que l'on sait tout. La fascination de la mort persistait, mais je n'étais plus en age de jouer. Il me semblait avoir compris le silence du Menuisier et la profonde mélancolie de ma mère. Faute d'aveu, je ne pouvais rien pardonner."
Peu passionnée par cette galerie de disparus, par l'abondance de descriptions et de détails de la vie quotidienne dans le Finistère des années 50, j'avoue avoir eu du mal à poursuivre ma lecture .
Puis viennent des souvenirs plus personnels, une quête de savoir, une volonté de comprendre où l'on voit se dessiner l'avenir de l'auteure. Une partie, pour ma part, plus touchante.
"Était-ce donc mon rôle, par le pouvoir de l'écriture, de mettre fin à une longue expiation ?"
Une autobiographie qui m'a rappelé certains titres d'Annie Ernaux, la ruralité, la pauvreté dont on a eu honte, l'envie parfois d'oublier ses origines, la réussite par l'éducation..
Secrets de famille
Critique de Alma (, Inscrite le 22 novembre 2006, - ans) - 7 juillet 2011
Dès l’enfance, la narratrice Marie-Yvonne Legall vit dans un univers où la mort fait partie intégrante du quotidien, où les femmes sont toujours en deuil, où le décès est toujours considéré comme une fatalité « c’est comme ça ! ». Elle vit entourée du souvenirs des morts de la famille dont on visite les tombes, dont les photos ornent les murs. C’est une enfant farouche « j’ veux pas de cadeau, j’veux pas qu’on me touche, j’veux pas embrasser des peaux », une fillette silencieuse « elle n’est pas démonstrative » dit-on d’elle , perturbée et paralysée par les cris et l’agitation incontrôlés de sa soeur Jeanne, handicapée mentale qu’on finira par placer dans une « maison ».
En cherchant à comprendre le Menuisier, cet homme lointain : son géniteur, elle remonte dans le passé de la famille, fouille les greniers, feuillette les albums aux photos jaunies, observe les clichés des défunts, visite les cimetières, interroge les lieux porteurs de silence et réveille les fantômes d’un monde enfoui mais par lequel elle se sent marquée « j’étais lourde d’une mémoire qui n’était pas la mienne, m’envahissait comme une ombre épaisse » .
Un livre de hontes et de secrets dont le cadre est la pointe de la Bretagne avec laquelle l’auteur entre en communion sensorielle, qu’elle révèle par les sensations visuelles, olfactives, auditives que cette région sauvage procure. Elle restitue l’atmosphère des familles où le demi-mot, le non-dit ont plus de puissance que les propos échangés, celle du monde rural de son enfance, dans les années années 60, ainsi que les coutumes, les croyances et tabous de la culture bretonne dont elle est imprégnée.
Roman lancinant, de la recherche obsessionnelle, de la progressive remontée en surface de l’insaisissable et de l’innommé. Parfois lent, répétitif ou dispersé comme peut l’être le travail d’un archéologue, il se présente à la fois comme un passionnant et poignant travail de mémoire, une enquête dans le passé d’une famille, la chronique d’une époque révolue, tout comme l’émouvant résultat de la recherche d’identité que mène la narratrice.
Le cheval de chagrin
Critique de Spiderman (, Inscrit le 14 juin 2008, 61 ans) - 11 février 2011
Dans un style très doux, sans chapitres mais avec des pauses régulières, Marie le Gall construit le récit d'une enfance mi-rurale mi urbaine (Brest) dans un monde de taiseux où les évolutions sociales et techniques font très lentement leur chemin.
Le menuisier est l'époux de Jeanne, ses parents. Elle ne les appelle jamais papa et maman, leurs liens sont réels mais assombris par un secret de famille que l'on ne découvrira qu'en fin de livre, sans montée de suspense, sans construction romanesque alambiquée. Le vif et le mort se mêlent dans un cadre âpre et rugueux où l'orgueil de Pierre Jaquez Helias a été remplacé par une peine héréditaire, subtilement dépeinte par une écrivaine qui a peut-être livré ici une importante part d'autobiographie.
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