Une expérience de vie bouleversante

Après « L’Usine » de Vincent De Raeve, charge au vitriol contre un capitalisme ravageur d’humain, après « Parle-moi de ton Absence », de Saber Assal, témoignage sur la violence faite à sa mère dans une société maghrébine traditionnelle, l’excellente collection « Je » de « Couleurs Livres », que dirige Daniel Simon, donne la parole à Monique L*, ex-religieuse, ex-missionnaire, que son exigence de sincérité, d’honnêteté, a forcée à l’ex-claustration.
Née dans une famille très catholique, marquée dès sa prime enfance par le divorce qu’ont imposé des crises de violence et d’irresponsabilité d’un père trépané au cours de la grande guerre – un père qu’elle refusera toujours de condamner, auquel elle restera attachée jusqu’à son décès –, violée par un oncle à l’adolescence, victime de déformations orthopédiques imposant de lourds traitements et une immobilisation prolongée dans des institutions tenues par des sœurs dont elle admire le dévouement, Monique L* deviendra « tout naturellement » religieuse et se dévouera à son tour pour des patients en fin de vie, tout en animant sa congrégation de sa bonne humeur et de ses facéties.
Désignée pour l’action missionnaire, elle connaîtra en Afrique son paradis avant l’heure, jusqu’à ce que ses supérieures l’obligent à commettre des indélicatesses de comptabilité pour accroître la puissance de leur ordre. La mort dans l’âme, elle doit à la fidélité envers elle-même de quitter le voile, au moment où son père meurt, où elle découvre d’autres actes d’une véritable dictature au sein de sa congrégation, où un accident de roulage altère ses capacités physiques et intellectuelles.
Ce sera la plongée dans une dépression d’une profondeur effroyable, en butte aux avanies et au chantage de ses supérieures, au blâme de ses proches, à la dégradation permanente de son état de santé, à des abus de pouvoirs de professionnels de la médecine proches de sa congrégation. Mais une dépression dans laquelle elle saura saisir toutes les mains qui se tendent, au sein et en dehors de l’Église, « sans me lâcher avant que votre maillon ait accroché le suivant. Vous ne m'avez pas poussée de force, ne m'avez pas tirée par les cheveux. Comme pour un être blessé, vous avez noué vos mains sous mon séant et m'avez portée à l'instant de l'impossible (…), au tréfonds du désespoir où je me sentais crever. M’éclairant un bout de sentier inconnu, angoissant, vous m’avez permis de faire un pas, un pas encore. J’ignorais où ces pas me mèneraient, mais chacun d’eux m’a permis de survivre. »
Nous suivons pas à pas cette plongée aux enfers, dont la perte de la foi n’est pas la moins terrifiante des épreuves (« C’est ainsi que, lentement, par paliers, je pris conscience d’avoir été la créatrice de mon Dieu-Père. D’avoir modelé une statue en fonction de mes besoins, mes désirs, mes projections (…) Tâtonnant pour chercher à toucher, voir, sentir encore cette idole que j’aimais tant, dont j’avais tant besoin, je ne faisais que la désagréger un peu plus, amas de pierres gisant à mes pieds (…) Le choc fut terrifiant. »). Mais sans jamais déroger à « une sincérité, une loyauté effrayantes », comme le lui dira un prêtre qui l’a prise en amitié, Monique L* finira par se traîner jusqu’au bout du tunnel et, sans tout à fait guérir, découvrir une acceptation, une philosophie, une forme de liberté intérieure.
Une leçon de vie bouleversante mais sans ostentation en même temps qu’un témoignage de première main, dépourvu de manichéisme, sur les abus de pouvoir qui guettent toute forme de hiérarchie sans contrepoids démocratique, aussi élevées que soient ses aspirations initiales.

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  Debout en bout de Monique L*

  de L*, Monique
  Couleur Livres / Je
  ISBN : 9782870035177 ; 13,18 € ; 05/05/2009 ; 126 p. ; Broché

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