Beatles
de Lars Saabye Christensen

critiqué par Patman, le 30 novembre 2009
(Paris - 61 ans)


La note:  étoiles
Quatre garçons dans le vent...glacé
Oslo, 1965-1972 : Kim (alias Paul), Ola (Ringo), Gunnar (John) et Seb (Georges) ont 14 ans et comme presque tous les garçons de leur âge à cette époque rêvent d’être membre un jour d’un groupe à la hauteur de leurs mythiques idoles : les Beatles.
Mais bien sûr, la vie des rêves n’est pas la vraie vie. Il y a mille contraintes à affronter, l’école, les parents, les relations avec les filles (des êtres particulièrement pervers et compliqués) et tout simplement la vie en société ; cette société norvégienne des années 60, étriquée, repliée sur elle-même, prisonnière six mois par an de ses hivers glacés.
Le livre démarre de façon sympathique et guillerette, on se croirait dans une chanson pop, mais assez vite le récit bascule et se durcit avec par moment des passages franchement sombres voire glauques et à ce moment là c’est plutôt la plus célèbre peinture norvégienne qui vient à l’esprit : le Cri de Munch. Ce « cri » évoqué d’ailleurs régulièrement par l’auteur tout au long de son récit.
Nous suivons donc les tribulations de Kim et ses copains sur toute la période de leur adolescence et jusqu’à l’âge adulte au gré de leurs amours difficiles, leurs peines, leurs succès (rares) et surtout leurs échecs (nombreux). Kim le plus torturé capable d’être raisonnable puis qui soudain en un éclair disjoncte complètement, Ola le bègue sympathique et un peu bêta et qui pourtant ne l’est peut être pas tant que ça, Gunnar, fils d’épicier qui très tôt s’investit dans les combats politiques de gauche et Sebastian, le plus proche de Kim qui sombre dans la drogue. Et puis il y a les autres personnages : le Dragon, le Jars, Nina, Guri, Cecilie, Jorgen, Fred Hansen, les profs, les parents, oncle Hubert, Henny, etc. Personnages sombres ou truculents, ils ne sont pas sans rappeler les « seconds rôles » que l’on retrouve dans les romans de Irving. Tous ont une épaisseur qui permettrait presque d’en faire des personnages principaux. Cela rend le livre par moment très dense, même s’il n’est jamais confus.
C’est au final un portrait peu reluisant d’une époque et d’une génération que l’on sent perdue qui est dressé ici. Ils rêvent de gloire et de fortune mais ne se donnent jamais la chance d’y parvenir, noyant dans la bière et les substances illégales les quelques velléités qu’ils avaient de s’en sortir. Souvent on se dit en voyant les efforts de tel ou tel personnage : « ça y est, il a compris, il va y arriver » et dès la page suivante il retombe plus bas encore… Le moins que l’on puisse dire c’est que c’est déconcertant, et pourtant, malgré tout on veut y croire encore et l’on poursuit sa lecture car en dépit de toutes leurs faiblesses (ou peut être à cause d’elles) ces jeunes gens nous attirent et nous touchent. Est-ce leur faute si le monde est tel qu’il est ? Le Destin se charge toujours de leur brûler les ailes. On se croirait dans une tragédie grecque. Les dieux ne tolèrent pas qu'on les tutoie !
On peut dire de ce « Beatles » que c’est un bouquin qui secoue et interpelle, âmes sensibles s’abstenir donc. Mais quel bonheur de lecture pour ceux qui oseront s’attaquer à cette jolie brique. A recommander particulièrement aux fans de John Irving ou Jonathan Frantzen.
Univers finalement assez noir 8 étoiles

Ce qui m'avait attiré sur le dos de page, c'est la référence à Jonathan Frantzen dont j'avais beaucoup aimé Les Corrections.
Ici on suit la vie d'un jeune garçon et de ses 3 copains sur une période de leur vie qui va de 11 ans à 21 ans. Ca a l'air plutôt gentil et naïf au départ pour basculer au fil des pages dans un monde plus gris voire carrément glauque. Les personnages sont attachants et j'ai pour ma part accroché. Mais oui, ça bouscule et interpelle!

Kirikou - - 52 ans - 23 juin 2010