Nouvelles en trois lignes et autres textes courts de Félix Fenéon

Nouvelles en trois lignes et autres textes courts de Félix Fenéon

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Kinbote, le 1 janvier 2002 (Jumet, Inscrit le 18 mars 2001, 65 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (14 680ème position).
Visites : 4 299  (depuis Novembre 2007)

L'art de la concision

Les Nouvelles en trois lignes furent publiées dans le journal « Le Matin » de mai à novembre 1906. Elles connurent des précédents, dont la présente édition rend compte, dans les chroniques qu’écrivit pour diverses revues de la fin du XIX ème siècle Félix Fénéon ("un homme des plus intelligents que j'aie rencontrés" dira de lui Paul Valéry), sympathisant anarchiste, éditeur de Rimbaud, avant la loi sur la presse de 1893 interdisant d’approuver tout acte criminel, ce dont le journaliste-écrivain ne se priva pas.
L'ensemble des Nouvelles en trois lignes trace le sombre portrait d'une époque où on voyait partout des espions à la solde de l'Allemagne, des anarchistes poseurs de bombes, des actions de grève réprimées par la police, les premières compromissions socialistes, des gens vitriolés, passés sous des trains ou des tramways, des actes de pédophilie, des meurtres passionnels commis sous l'effet de l’alcool, des vols de fils téléphonique alors en cuivre, des suicides pour cause de misère ou de licenciement… Et chacune enlevée dans un style passé maître dans l’art de l'ellipse, de la contraction des fait relatés sur ses points sensibles, digne de figurer, si cela n'a déjà été fait, dans une anthologie de l'humour noir.
Jugez plutôt :

Le Lyonnais Frachet, mordu par un carlin et cru guéri (Institut Pasteur), a voulu mordre sa femme et est mort enragé.
Jugeant sa fille (19 ans) trop peu austère, l'horloger stéphanois Jallat l’a tuée. Il est vrai qu'il lui reste onze autre enfants.
Prenant au mot son état civil, Mlle Bourreau a voulu exécuter Henri Bomborger. Il survivra aux trois coups de couteaux de son amie.
Trois ans, c'est l'âge d'Odette Hautoy, de Roissy. Néanmoins, L. Marc, qui en a trente, n’a pas trouvé qu’elle fût trop jeune.
Sur Bécu, 28 ans, qui arrivait à Beaujon troué d'une balle, on compta 28 cicatrices. Son nom dans le monde qui rôde : La Cible.

Catherine Rosello, de Toulon, mère de quatre enfants, voulut éviter un train de marchandises. Un train de voyageurs l'écrasa.
Rattrapé par un tramway qui venait de le lancer à dix mètres, l'herboriste Jean Désille , de Vanves, a été coupé en deux.
En 1893, une revue anarchiste amie lui reprocha le compte-rendu d'une rixe entre ouvriers français et italiens. Le point de controverse se résumait pour Fénéon à une question de vocabulaire, et il concluait : « Nous ne savons pas écrire sur le mode sentimental ».
Quand le langage est cadenassé par le politiquement correct, une moralité fléchée, une sensibilité très orientée, il ne reste plus qu’à inventer des nouvelles formes pour faire exploser, comme des bombes, sa terrible vision du monde.

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Quelques perles

8 étoiles

Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 68 ans) - 20 janvier 2002

Ajoutées à celles que nous livre la critique de Kinbote, quelques perles tirées de ce collier qui en compte quelque 400 : "C'est au cochonnet que l'apoplexie a terrassé M. André, 75 ans, de Levallois. Sa boule roulait encore qu'il n'était déjà plus." "A 80 ans, Mme Saout, de Lambézellec (Finistère), commençait à craindre que la mort l'oubliât; sa fille sortie, elle s'est pendue." "Un plongeur de Nancy, Vital Frérotte, revenu de Lourdes à jamais guéri de la tuberculose, est mort dimanche par erreur." "A Cozes, 150 soldats partis de Rochefort pour les manoeuvres n'ont plus pu bouger. La chaleur. Et c'étaient des coloniaux." "La Verbeau atteignit bien, au sein, Marie Champion, mais se brûla l'oeil, car le bol de vitriol n'est pas une arme précise." "Boulevard Carnot, au Vésinet, une automobile a attaqué à toute vitesse un troupeau de moutons. Trois moururent." "Perronnet, de Nancy, l'a échappé belle. Il rentrait. Sautant par la fenêtre, son père, Arsène, vint s'abîmer à ses pieds." "Un chasseur de Tessancourt a contraint sa femme et le quidam à attendre sur la couche adultère (3 heures) le gendarme constatateur."

En trois lignes

8 étoiles

Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 68 ans) - 19 janvier 2002

"En lisant les nouvelles en trois lignes de Félix Fénéon, cordialement conseillées par le critiqueur Kinbote, Lucien R., de Dour (Ht.) faillit s'étrangler de rire."

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