Le Journal d'un écrivain
de Virginia Woolf

critiqué par Lancelot du Lac, le 19 novembre 2009
(Genève - 36 ans)


La note:  étoiles
Virginia Woolf réclame l'intimité
En connaissant la force de l'oeuvre de Virginia Woolf, on peut être tenté de se demander quelles ont été ses considérations sur le monde qui l'entoure; comment a-t-elle pu poser sur la table de la Hogarth Press des livres si denses, qui relevaient du génie avant la femme. Des livres qui donnent l'impression d'avoir été écrits hors du temps, par personne, tant ils invoquent le monde dans sa dimension universelle et non pas d'un point de vue individualiste.

Et bien, cette femme s'inscrivait bien dans la réalité et "Le journal d'un écrivain" nous permet de le constater par nous-mêmes. On retouve Virginia Woolf dans son quotidien, avec son amour de la nature et ses descriptions poétiques de la campagne anglaise; elle y dépeint les angoisses que suscitaient sur elle l'attente des critiques de ses livres, le travail rébarbatif que nécessite l'élaboration d'un roman ou d'une critique littéraire, la mélancolie, la douleur d'exister, ainsi que les élans d'ivresse offerts par les instants de répit qui suivaient le point final à une de ses productions.

Deux conditions sont nécessaires pour pouvoir se plonger dans ce livre. Il faut soit s'intéresser de près au travail d'écrivain et à son aspect concret, terre à terre et désillusionné, ainsi qu'illusionné, ou soit s'intéresser à Viriginia Woolf au-delà de ce qu'elle a pu écrire pour le public. Et alors, et seulement alors, on peut avoir le courage de finir cet ouvrage dont l'écriture est parfois hésitante, lente, répétitive, il arrive que "les mots n'entaillent qu'à peine le papier" - c'est un journal intime, il ne faut pas l'oublier. A priori, Virginia n'a écrit ces lignes que pour elle-même et c'est, pour cette raison, un texte brut, très personnel, qui ne cherche à captiver aucun lecteur. Mais il faut être attentif aux éclaboussures du génie, qui sont projetées au détour d'une page, au détour d'une pensée, d'une considération quelconque, pour mieux nous rappeller à qui nous avons affaire.