L'offense de Ricardo Menéndez Salmón
( La ofensa)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Stavroguine, le 2 novembre 2009 (Paris, Inscrit le 4 avril 2008, 40 ans)
La note : 5 étoiles
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Plus insensé qu'insensible

"L'offense" n'est pas tout à fait un énième roman prenant pour cadre la Seconde Guerre Mondiale ; elle est cependant la parfaite illustration qu'une bonne idée de départ ne suffit pas toujours à faire un bon roman. En l'occurrence, celui-ci nous conte l'histoire Kurt Crüwell, jeune tailleur allemand appelé sous les drapeaux pour se battre sur le front de l'Ouest au sein des troupes de l'Allemagne nazie. Dans une très bonne première partie, Kurt participe donc à l'invasion française, via les Ardennes et, très rapidement, jusqu'au Nord et la Bretagne.
Kurt doit cependant à ses talents de pilote de side-car, qui lui vaudront d'être pris sous l'aile d'un de ses supérieurs, d'être relativement épargné par les combats, n'arrivant sur le champ de bataille qu'après que celui-ci ait déjà été conquis par les troupes allemandes. Mais alors que l'armistice est signé et que l'armée stationne tranquillement dans son petit coin de Bretagne occupée, un groupe de Résistants exécute sauvagement un détachement allemand. Le supérieur de Kurt prend en main des représailles d'autant plus atroces qu'elles sont exécutées avec méthode et précision, qui débouchent finalement sur le rassemblement de toute la population - hommes, femmes et enfants - d'un petit village au sein de son église à laquelle il est mis feu. Devant ce crime horrible, Kurt s'effondre et perd toute sensibilité.
A partir de là, on pouvait s'attendre au meilleur, d'autant que l'éditeur nous promettait une plongée "au coeur des ténèbres de l'âme humaine". On ne fera finalement que flotter, empêtrés qu'on sera dans les filets d'une mauvaise histoire d'amour, qui est pourtant ce qu'on s'attend le moins à trouver du côté de quelqu'un ayant prétendument perdu jusqu'à la moindre once de sensibilité, au point même que l'on frôle le fantastique. Cette incongruité est cependant excusable : étant donné que l'auteur fait le choix de ne tirer aucun parti de l'étrange mal qui affuble son héros, pourquoi ne pas aller jusqu'à l'oublier partiellement pour lui permettre d'être amoureux, malgré son absence de sentiments. Qu'à cela ne tienne, on suit quand même tout cela - sans passion, mais le roman est court - et bien qu'on eut préféré avoir les impressions d'un Kurt désensibilisé sur la guerre dans laquelle il aurait pu se retrouver plongé. Au lien de cela, il ne nous reste qu'à l'observer se balader sur les plages françaises au bras de son infirmière - n'ayant, soit dit en passant, aucun mal à se faire passer pour un Français auprès d'une population plutôt hostile aux relations amoureuses avec l'occupant, alors qu'il ne bredouille pas un mot de français et sort chaque jour d'un hospice réquisitionné par les Nazis.
On se précipite donc dans la troisième partie, remplis de l'espoir d'avoir en fin une réponse digne de tout ce que promettait la première d'entre elles, mais non ! nous n'aurons droit qu'à une fin qui n'aura d'autre mérite que d'être la transposition en tout point fidèle - drapés rouges, musiques obsédante, même le nain y est ! - de la visite de l'agent Cooper de la "Loge Noire" dans l'excellente série télévisée "Twin Peaks", de David Lynch. Ce que tout ceci vient faire là, on n'en sait trop rien, mais il faudra s'en contenter pour tenter d'apprécier ce roman qui, passée une première partie de très bonne facture, semble se perdre dans ses propres pistes pour s'achever à la manière d'un brouillon aussi spontané qu'inachevé. Dommage.

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