Génération Rock&Folk : 40 ans de culture rock
de Christophe Quillien

critiqué par Numanuma, le 25 octobre 2009
(Tours - 50 ans)


La note:  étoiles
Ecrire le rock électrique
Faut-il s’appeler Philippe pour travailler chez Rock & Folk ? La question peut paraître incongrue mais à bien y regarder, on peut se poser la question. Philippe Kœchlin, fondateur, Philippe Paringaux, Philippe Manœuvre, rédacteurs en chef mythiques, Philippe Adler, Philippe Bas-Rabérin, Philippe Blanchet, Philippe Ducayron, Philippe Garnier, Philippe Leblond, plumes…

Au-delà de l’anecdote et sans entrer dans les statistiques des prénoms les plus donnés dans les années 40 et 50, ce bouquin magnifique, bien que d’un format carré peu pratique à mon goût, est une mine d’informations sur LE magazine rock en France, fruit d’un travail de maniaque de son auteur, Christophe Quillien (tiens, il s’appelle pas Philippe…), journaliste free lance déjà auteur d’un ouvrage remarqué sur Dominique Rocheteau et surtout fan de Rock & Folk !
Le magazine est le bébé de Philippe Kœchlin, né en 1938, fan de jazz, qui rejoint l’équipe du magazine de référence en la matière en 1958 : Jazz Hot, fondé en 1935. Philippe en devient rédacteur en chef en 1962. A la différence notable de nombreux « jazzeux » de l’époque, Philippe Kœchlin dispose d’une certaine ouverture d’esprit et, même si le rock naissant ne lui parle pas vraiment, il comprend qu’il y a là quelque-chose de différent qui mérite de l’attention. La naissance en 1961 du premier magazine entièrement consacré au genre en France, Disco Revue, n’est sûrement pas étrangère à son avis premier : le rock, fût-il du rythm and blues abâtardi, a le droit de cité. De plus, son audience augmente régulièrement malgré une distribution confidentielle dans l’hexagone. D’ailleurs, de nombreux collaborateurs de Disco Revue passeront à Rock & Folk.
Malgré tout, l’acte de naissance de Rock & Folk n’est signé qu’en juillet 1966 ; c’est le fruit d’un compromis au sein de la rédaction entre les pros et les antis du rock. Il s’agit donc d’un numéro 0, hors série estival de Jazz Hot, avec Bob Dylan en couverture ; inutile de dire que ce numéro est devenu collector.
Le reste, il faudra le lire par vous-même en espérant que le bouquin est encore disponible puisqu’il date de 2006, quarantième anniversaire du magazine oblige. Bien évidemment, j’en ai fait l’acquisition à sa sortie et je ne l’ai lu que cette année, allez savoir pourquoi…
Préfacé par l’inénarrable Philippe Manœuvre, rédac chef depuis 1993 et désormais jury dans une émission de télé crochet (hum…), ce bouquin est une plongée dans la légende. Tout n’a pas toujours été rose chez R&F, au contraire, les années 80 ont failli être fatales au mensuel qui perdait chaque mois un peu plus de lecteurs. De nombreux changements de formules achevèrent de dérouter les fans qui trouvaient de plus en plus leur compte chez la concurrence, que cela soit Best ou les pages du mardi de Libération ou les journaux spécialisés dans un type de musique ou bien encore à la télé, grâce aux Enfants du Rock ou Sex Machine…
Oui, Rock & Folk, le grand ancêtre, celui par qui bien des vocations et des concurrents sont nés, a bien failli disparaître et même s’il existe toujours en 2009, il n’a toujours pas retrouvé le lustre des années 70, SA période faste marquée par le tandem de choc Kœchlin-Paringaux. Les deux personnalités, à l’opposée l’une de l’autre, le premier plutôt affable et paternaliste, le second grinçant et déstabilisant, formaient un moteur incroyable : tous les collaborateurs du journal, réguliers ou non, cherchaient systématiquement à se surpasser face à ce Sphinx bicéphale…
Plus vieux que Rolling Stone Magazine, le journal a réussi l’exploit de na pas couvrir le festival de Woodstock ! Plus jeune que Disco Revue, il l’a vu mourir, renaître et mourir à nouveau, tout comme il a vu partir Best, son plus sérieux rival. Rock & Folk est le parrain de la critique rock en France avec un côté gardien du temple qui va avec et qui peut agacer.

Et pourtant, on ne peut reprocher au magazine d’être resté fermé sur un seul genre musical, son nom même le lui défend : country, jazz, chanson, blues, hard, metal, rap, techno, funk, soul… tous les genres ont un jour trouvé leur place dans les pages du magazine et sans la prétention intellectuelle des Inrock ! Lecteur depuis 17 ans, j’en prendrai avec plaisir une autre tranche !