Les vallées du bonheur profond
de Henry Bauchau

critiqué par Skybook, le 24 octobre 2009
(Gap - 52 ans)


La note:  étoiles
le bonheur d'Antigone
Dès que l'on perçoit les choses en d'autres termes que ceux de la dualité , de l'opposition franche, tout devient beaucoup plus vaste , éclairant. Dans " les vallées du bonheur profond", la dualité bonheur /malheur , vie heureuse /souffrance est dépassée à travers le personnage d'Antigone.
Ce n'est pas tant qu'Antigone refuse le bonheur ou qu'elle soit dans l'impossibilité de l'accueillir - car elle perçoit , entre en contact et goûte le bonheur des gens de la vallée qu'elle rencontre, mais ELLE est ailleurs.
Ce voyage de quelques jours dans les vallées inconnues s'offre comme une parenthèse à son existence et c'est un peu , au fond , comme le temps des vacances , c'est à dire un temps et un lieu donné dans lequel on ne peut pas s'installer durablement.
Pourquoi alors les gens de ces vallées peuvent- ils , eux , s'y établir?
Parce qu'aucune nécessité ne les y pousse. Pour eux , tout est là où ils se trouvent, le monde est donné , plein , et il n'y a plus qu'à vivre et à travailler selon les règles simples et subtiles de la nature. Et Bauchau nous donne à lire ce monde.
Une des femmes dit à Antigone : " si j'étais aveugle , je partirais aussi pour entendre , sentir des choses différentes.." pour ouvrir et agrandir donc les perceptions que la cécité d'Oedipe a nécessairement restreintes ( dans un premier temps ). Ce qui signifie qu'Oedipe et avec lui Antigone sont forcés au "voyage "( la route , l'errance , la quête ) ils sont tous deux forcés au mouvement , au déplacement ( géographique , spirituel ) ils ne peuvent s'établir durablement dans aucun lieu ( la fin du voyage pour Oedipe comme pour Antigone c'est la mort ) . La paix que semblent goûter naturellement ceux de la vallée n'est possible pour Oedipe et Antigone qu'au prix de ce perpétuel déplacement .
" c'est le bonheur que vous cherchez ? " demande Antigone .
" quoi d'autre ," ...