Un mal sans remède
de Antonio Caballero

critiqué par Tanneguy, le 22 octobre 2009
(Paris - 84 ans)


La note:  étoiles
Un chef d'oeuvre de la littérature colombienne...???
C'est ce que suggère l'éditeur (Belfond) sur un bandeau apposé sur cet épais volume (presque 600 pages...). Après lecture j'ai du mal à approuver (ou désapprouver) l'éditeur, mais je reste pour le moins perplexe : de quoi s'agit-il exactement ?

Partons de l'hypothèse que le sujet central, c'est la Colombie contemporaine ; l'auteur souhaite nous indiquer qu'il s'agit dun "mal sans remède" et il y réussit assez bien, même si seule la capitale Bogota est concernée, et seul le milieu petit bourgeois est mis en scène...

Le héros est cependant un jeune oisif petit-bourgeois qui se prend pour un poète. Il fréquente activement un milieu idéaliste révolutionnaire qui se veut affranchi mais reste fasciné par les bienfaits de la "civilisation" des gringos nord-américains. On se soucie peu des masses miséreuses, on fume de l'herbe, on sniffe la coke nationale et l'on boit des litres de rhum local ou de whisky d'importation avant de copuler généreusement...

Le style est parfois plaisant et nous fait approcher de certaines réalités colombiennes : les journées électorales, les discussions sans fin sur la Révolution, les réceptions quotidiennes chez les bourgeois riches raillés mais puissants... ; à la fin du livre on a droit à une remarquable description d'une course de taureaux avec mise à mort à la sauce colombienne... Bref il y a quelques solides points d'intérêt pour le lecteur, mais ils ont du mal à éclipser les défauts (à mon point de vue) de la narration : récits touffus, répétitifs, qui s'estompent dans la brume narcotique du héros.

Si vous avez le courage -et le temps- de vous lancer dans ce récit, vous pourrez en retirer quelques menus plaisirs. Cela me fait, un peu, penser aux romans de Bret Easton Ellis sur la jungle new-yorkaise, parfois encensés par la critique bienveillante "branchée".
Une fois que ma décision est prise, j'hésite longuement 8 étoiles

Cette citation de Jules Renard s’applique merveilleusement à Ignacio, antihéros attachant, mais non moins antipathique et égoïste qui accompagne le lecteur tout au long de ces 600 pages.

J’avoue ne pouvoir être catégorique suite à cette lecture.

L’écriture me semble agréable, sans toutefois s’économiser de certaines longueurs répétitives. Cette redondance permettant d’instaurer ce sentiment hésitant et d’inaction du personnage principal. Finalement, ce dernier a autant de prise sur les choses qu’il subit que le lecteur découvrant chaque ligne de cet étonnant roman.

Les différentes scènes que saisit Ignacio accèdent au plus près du Bogota des années 60/70. Les boites de nuits malfamées, les discussions politiques stériles, des dirigeants corrompus et agressifs, une ville qui dégage une violence permanente, l’alcool et la drogue comme échappatoire et raison de l’inaction.

Je n’irai pas jusqu’à reconnaître que c’est un chef d’œuvre, même si, irrémédiablement, une émotion étrange enveloppe cet ouvrage.
En somme, je le conseille vivement.

Kami - Lille - 48 ans - 18 novembre 2011