Une plume dans la tempête : Une enfance dans la tourmente de la Révolution culturelle de Emily Wu, Larry Engelmann (Co-auteur)

Une plume dans la tempête : Une enfance dans la tourmente de la Révolution culturelle de Emily Wu, Larry Engelmann (Co-auteur)
( Feather in the storm)

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Dirlandaise, le 21 octobre 2009 (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 68 ans)
La note : 10 étoiles
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Attendre et espérer...

« Attendre et espérer », ce sont les derniers mots du roman d’Alexandre Dumas intitulé « Le Comte de Monte-Cristo » et la petite Wu Yimao (Emily) ne les a jamais oubliés, au contraire, elle se raccroche à ces quelques mots afin de pouvoir survivre à son enfance et son adolescence. En effet, la jeune fille chinoise à la malchance de vivre cette période de sa vie au cœur de la tourmente de la Grande Révolution culturelle prolétarienne de Mao Zedong. De plus, sa famille est classée « noire » par le Parti communiste car son père est un intellectuel de haut niveau, détenteur d’un doctorat de l’université de Chicago, traducteur de romans de l’anglais au chinois et enseignant la composition anglaise et la littérature à l’université d’Anhui. La mère de Yimao est secrétaire à la même université. La famille subira donc plusieurs humiliations et persécutions. Le père fait des séjours en prison et la famille devra déménager à la campagne afin d’y être rééduquée car ils sont considérés comme des éléments subversifs et dangereux pour la Révolution. Ils y vivent dans des conditions épouvantables, sans eau courante ni électricité. Leur maison est construite à la hâte avec des murs en terre cuite et un toit de chaume. Ils doivent travailler aux champs et tout ce que la famille possédait en livres et biens culturels leur est enlevé. D’ailleurs à l’époque, les livres étrangers n’avaient plus qu’une seule utilité : servir de papier hygiénique. À la campagne, la corruption règne et le chef du village agit en despote. Il se sert impunément lorsqu’il a besoin de quelque chose et personne ne peut rien y redire. Yimao se fera de nombreuses amies mais toutes subiront un sort peu enviable : mariages arrangés ou suicides. D’ailleurs à l’époque, les suicides étaient monnaie courante. Le retour en ville et la fin des études de Yimao ne lui ouvrent comme avenir qu’un poste d’enseignante dans un village isolé des montagnes chinoises. Mais la mort de Mao vient changer la donne et redonner de l’espoir à la jeune fille qui verra sa vie prendre une nouvelle direction plus en accord avec ses espérances.

Ce livre est mon coup de cœur de l’année même si celle-ci n’est pas encore terminée. C’est un document exceptionnel sur la vie quotidienne des familles chinoises sous la dictature du Grand Timonier. L’auteure ne tombe jamais dans la critique virulente du gouvernement mais raconte tout simplement les faits tels qu’elles les a gardés en mémoire et laisse au lecteur le soin de juger. J’ai apprécié cette pudeur de madame Wu, cette retenue car il aurait été facile pour elle de se laisser aller à la haine et à la vengeance mais non, rien de tout cela. Ce sont des souvenirs, des mémoires d’enfant et de jeune fille qui subissait les contrecoups d’une époque troublée où la Chine était devenue un monde de fous, où la liberté ne voulait plus rien dire, où l’endoctrinement et le contrôle de la pensée maintenaient les gens dans un asservissement humiliant, où les meurtres, les vols, les violences de toutes sortes faisaient partie du quotidien ainsi que les suicides causés par l’absence d’espoir en l’avenir.

Le livre est exceptionnel non pas tellement pour l’écriture mais pour le témoignage qu'il renferme. J’ai appris énormément sur la vie quotidienne en Chine à cette époque, sur le fonctionnement du système communiste, sur ses effets sur la population, sur ses bons et surtout mauvais côtés. Certaines scènes sont très belles et émouvantes comme celle où Yimao raconte avoir découvert dans une ruelle déserte une pile de livres attendant d’être brûlée mais qu’on semblait avoir oubliée. La jeune fille se rend donc en cachette tous les jours à cet endroit pour lire et découvrir le reste du monde par le biais des encyclopédies qu’elle feuillette avec une intense curiosité. D’autres passages sont tout simplement horribles, je songe entre autres au sort d’une des tantes de Yimao, Liang, jolie et pleine de joie de vivre malgré la situation tragique dans laquelle elle se débat. Une lecture terrible mais en même temps lumineuse et porteuse d’espoir en l’humanité.

Le roman comporte huit pages de photos de la famille et des amis de Yimao.

« Si un professeur trébuchait ou renversait un seau, plusieurs gardes fondaient sur lui et le forçaient à ramasser ce qu’il pouvait à mains nues. Cela provoquait immanquablement l’hilarité des gardes. Ils riaient aux éclats en se tapant sur la cuisse, ravis de cette humiliation absolue de leurs anciens instructeurs. »

« Je ne comprenais pas tous les mots mais j’étais fascinée par les grandes photos sur papier glacé. Dans une superbe encyclopédie reliée en cuir, je vis des centaines d’images stupéfiantes de montagne enneigées, de plaines couvertes d’arbres, d’herbe ou de glace, ainsi que d’étranges plantes ou animaux. J’avais peine à croire que tout cela existait réellement. »

« En regardant autour de moi, je vis les enfants brandissant leur Petit Livre rouge, les gardes rouges déclamant, les soldats offrant de servir le peuple. Je vis les vêtements ternes, les regards vides, les cheveux courts des femmes dans des pantalons difformes et des chemises sales, les affiches condamnant ou louant telle ou telle personne. Je ressentis la profonde tristesse des gens enfouie sous les hourras et les slogans. »

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