Les moins de seize ans de Gabriel Matzneff

Les moins de seize ans de Gabriel Matzneff

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Dirlandaise, le 9 octobre 2009 (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 68 ans)
La note : 8 étoiles
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Le goût des très jeunes

Aussitôt ce livre en main, la curiosité m’a fait laisser en plan mes autres lectures pour me plonger dans cette oeuvre tant controversée. Nous avons tous un petit côté voyeur, amateur de sensations fortes et de scandales croustillants. Je constate que je suis un être humain comme les autres et que je ne fais pas exception à la règle. J’ai donc lu ce livre avec avidité. Il se lit très vite d’ailleurs car très court. Monsieur Matzneff en ressort-il intact de cette lecture ? Je dois avouer que non. Le personnage a perdu de son charisme. Il y a même certains passages qui m’ont profondément dérangée, qui m’ont fait éprouver une sorte de malaise indéfinissable, malaise teinté de dégoût. J’ai d’ailleurs failli abandonner ce livre car ce n’est pas un côté de la personnalité de monsieur Matzneff qui m’intéresse le plus. Je le préfère quand il nous livre son analyse de la société et de ses travers mais bon, je me devais de lire ce livre afin de mieux connaître cet homme.

Dans sa préface, Gabriel Matzneff nous confie que s’il avait eu le souci de sa carrière, il n’aurait jamais écrit ce livre qui lui a tant causé tant de tort socialement. Il résume en parlant de suicide mondain. Cela peut se comprendre vu la teneur de ses propos. Mais pourquoi a-t-il donc écrit ce livre, c’est la question que je me pose. En parcourant les chapitres, j’y ai décelé différentes motivations. Dans le chapitre intitulé « Les ogres », l’auteur tente de minimiser ses actes en parlant de ceux qui usent de violence envers les gosses, ce qui n’est manifestement pas son cas. Il parle des violeurs d’enfants, des fous pervers, des assassins. Il déplore le fait que dans l’imaginaire collectif, le pédéraste soit perçu comme un être violent et destructeur alors que pour lui, c’est tout le contraire. Il tente aussi de se justifier en mettant en lumière le fait que les moins de seize ans ne sont pas des anges, bien au contraire. Les très jeunes sont souvent aussi très dragueurs et aguicheurs selon lui. Il cite Freud et son mot célèbre sur les enfants les qualifiant de « pervers polymorphes ». Donc, il se déculpabilise en rejetant une part de cette culpabilité sur les enfants eux-mêmes et leurs agissements à son égard.

Dans le chapitre « L’île des bienheureux », Gabriel Matzneff explique ce qu’est une relation avec de très jeunes et tout ce que cela implique comme attachement et complications émotives. C’est à ce niveau je crois qu’il fait le plus de dégât, en s’attachant des enfants pour ensuite les rejeter, ce qui peut être désastreux pour eux et entraîner beaucoup de souffrances morales. Mais cela est nécessaire de les aider à se passer de moi déclare monsieur Matzneff. Je suis perplexe devant un tel comportement et j’avoue que là, il m’est tout à fait antipathique. Il continue en confiant que ce sont les jeunes filles qui sont les plus difficiles à faire décrocher car elles tombent amoureuses de lui et s’imaginent toute une vie à ses côtés. Elles sont très possessives et cela devient très lourd. Les garçons acceptent plus facilement de se faire larguer…

Un chapitre intitulé « Scouts toujours prêts » met en lumière l’importance de ce mouvement pour un pédéraste à la recherche de jeunes enfants. Monsieur Matzneff parle aussi des lectures scouts qui l’ont enchanté dans son adolescence. Il cite Montherlant : « Tous les éducateurs sont des pédérastes ! Le scoutisme a rendu d’inappréciables services à la cause ! »

« Les mères » est un chapitre consacré aux différentes attitudes des mères face aux pédérastes qui draguent leurs enfants. Il n’est vraiment pas tendre envers elles monsieur Matzneff mais il fait preuve tout de même d’une belle lucidité sur le comportement de celles-ci et leurs motivations profondes.

Je regrette presque d’avoir lu ce livre. Ce n’est pas le Gabriel Matzneff que j’admire tant pour sa liberté de pensée, son sens de la dérision, son regard vif et incisif sur l’actualité. Oui, il a perdu beaucoup de son charme mais je continuerai à le lire pour son érudition, sa belle plume, son intelligence, son sens de l’humour, son honnêteté et son panache.

Des lettres d’amour écrites de la main de son amante âgée de quinze ans à l’époque sont intercalées entre les chapitres. Elles sont vibrantes de passion et pas du tout choquantes. Ce livre me laisse beaucoup d’interrogations et de questionnements. Que faire avec la sexualité des très jeunes ? L’étouffer ou la laisser s’épanouir entre les mains de personnes comme Gabriel Matzneff ? Vaste débat…

« Aimer un gosse n’a de sens que si cet amour l’aide à s’épanouir, à s’accomplir, à devenir pleinement soi-même, à faire voler en éclats les barreaux de la cage familiale, à repousser d’une main légère les faux devoirs auxquels la société prétend l’assujettir. »

« Le plus important service que je puisse rendre à un adolescent, après lui avoir transmis tout ce que je suis capable de lui transmettre, c’est de lui enseigner à se passer de moi. »

« L’approbation de la société ? Je m’en tamponne le coquillard. C’est dans la clandestinité, le danger, la transgression que je puise mon équilibre, ma santé, ma joie. Un des charmes de l’amour des moins de seize ans, c’est qu’il se cache. »

« Je n’ai ni estime ni respect pour l’amour maternel, cette goule. « Je t’aime, donc tu m’appartiens ! », tel est le vrai visage de l’amour maternel. Ne me dites pas que c’est beau. C’est monstrueux. »

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