Rosebud : Eclats de biographies de Pierre Assouline

Rosebud : Eclats de biographies de Pierre Assouline

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Daffodil, le 30 septembre 2009 (Inscrite le 3 août 2005, 52 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (3 718ème position).
Visites : 4 677 

Excellent

Déjà, l'idée est belle: 'rechercher le rosebud en chacun', selon le film Citizen Kane. C'est-à-dire rechercher ce petit détail qui nous trahit, révèle ce qui nous est le plus cher, nous définit.
Ensuite, ce livre qu'Assouline décrit comme des éclats de biographies rassemble les histoires de personnalités très différentes: Celan, jean Moulin, Lady Di, Picasso...
Mais, et c'est là que le génie Assouline intervient, ce livre est passionnant. Je dois admettre que ces mini biographies ne me tentaient de prime abord pas: soit je ne connaissais pas, soit je n'avais pas envie de savoir...
Assouline parvient à tout rendre intéressant, même passionnant. Le principe est beau, le texte comme toujours magnifique, bref, un vrai petit régal. A lire, à découvrir absolument.

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Les éditions

  • Rosebud [Texte imprimé], éclats de biographies Pierre Assouline
    de Assouline, Pierre
    Gallimard / Collection Folio
    ISBN : 9782070349296 ; 8,10 € ; 14/02/2008 ; 264 p. ; Broché
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Le goût du détail

9 étoiles

Critique de Paofaia (Moorea, Inscrite le 14 mai 2010, - ans) - 21 octobre 2013

"Rosebud, nom, masculin, de l'anglais rosebud signifiant 'bouton de rose', métaphore issue du film Citizen Kane..." Plus de trente ans que je cherche le rosebud en chacun. Ce petit rien qui nous trahit en nous dévoilant aux autres. Le rosebud peut être un vêtement, un objet, un geste. Un paysage de neige dans une boule de cristal. Une œuvre d'art éventuellement. Ou une madeleine. Ce peut être une trace ou une empreinte. Parfois même une simple page d'un livre. Ou un mot. Qu'importe si c'est juste un détail, pourvu que ce soit un détail juste. Rudyard Kipling, Henri Cartier-Bresson, Paul Celan, Jean Moulin, Lady Diana Spencer, Picasso, Pierre Bonnard cachent tous leur rosebud. Seuls des éclats de biographies, ombres de vérité, m'ont semblé à même de les révéler dans ce qu'ils ont d'insaisissable et d'essentiel.»

Je n'aime pas beaucoup les biographies, mais j'aime les détails, et ce livre en fourmille.

Qui dira jamais la volupté de la focalisation sur l'infiniment petit?...

On retrouve donc :
La "canne-siège" d'un immense photographe ,Henri Cartier-Bresson, qui préférait à toutes les autres les photos que crée la mémoire dans la tête.
Et puis la montre de Celan...la montre de son père, mort comme sa mère en déportation. Montre qu'il ne mettra pas pour aller se noyer dans la Seine en 1970.
L'écharpe de Jean Moulin, et ce qu'elle cachait.
Les chaussures de Mr Owen, et tout sur le royaume d'Angleterre!
Et enfin, l'inachevé, chez les peintres et en particulier Bonnard.

Mais surtout, et cette histoire, je ne la connaissais pas mais ne l'oublierai jamais , l'histoire de la Rolls-Royce de Rudyard Kipling. Ou plutôt de toutes celles qui se sont succédées. C'est son ami, Lord Montagu qui lui a inoculé le goût des voitures de luxe. Et c'est dans cette Rolls que Kipling va partir à la recherche du corps de son fils .

Rudyard Kipling avait 3 enfants, l'aînée était morte à l'âge de 6 ans d'une coqueluche aggravée.
En 1914, aux premières heures du conflit mondial, John Kipling a à peine 17 ans, et au moment où l'Angleterre déclare la guerre à l'Allemagne, Rudyard Kipling a 49 ans. Il a déjà beaucoup écrit, Le livre de la jungle, Kim, Trois hommes de troupes, Les sept mers, Le fantôme Rickshaw...

Quand, comme John, on porte aussi le nom de Kipling, comment exister dans l'ombre d'un homme accablé d'honneurs?...Du grand écrivain, John n'hérite ni génie, ni talent. Que le nom des Kipling et une très forte myopie.
En raison de ce trouble visuel, la carrière des armes lui est en principe interdite. Mais, au jour même de sa naissance, son père l'a destiné à être officier de marine...

Kipling sait bien qu'il n'est pas de pire handicap pour un soldat que de ne pas voir clair au-delà de quelques mètres. Sur le tableau de l'ophtalmologiste, même muni de verres de correction, John déchiffre laborieusement la deuxième ligne. Il voit mais ne distingue pas. Qu'en sera-t-il quand il se retrouvera en première ligne? La question ne se pose même pas. De toutes façons, on ne discute pas avec un père qui adore son fils en ce sens qu'il s'obsède de son éducation. Sa manière à lui de l'aimer. Lui assigner un grand dessein de la naissance à la mort et tout faire pour qu'il se tienne à cette mission. Car Kipling n'est jamais sorti de l'univers de l'enfance et du monde de l'école. Règles, réglement, discipline.
Plus tard, les héritières de l'écrivain n'auront de cesse de garder par devers elles , quand elles ne les censuraient pas par la destruction, celles de ses lettres qui auraient pu jeter le moindre doute sur la force de ses sentiments pour ses enfants. Quelle énergie dans le mensonge alors qu'il est tellement plus simple de reconnaître qu'on peut aimer à la folie et aimer mal...


Alors le malheureux fils mal voyant de celui qui a écrit le poème If...Si...Tu seras un homme, mon fils- quel poids à porter , va aller avec son père de bureau de recrutement à bureau de recrutement.

Et grâce des appuis, réussir bien sûr à être enrôlé dans le régiment des Irish Guards. La bataille de Loos est la première et la dernière à laquelle participe le lieutenant John Kipling. Le 2 octobre 1915, il est porté disparu.
Et à partir de la fin de la guerre, Kipling père passera le reste de ses années à sillonner les champs de bataille , toujours dans sa Rolls, à rechercher des traces du corps de son fils.
On peut parler à une tombe, pas à un spectre.

En 1992, dans le Pas- de- Calais-, une tombe a changé d'attribution au cimetière britannique Sainte-Marie de Haisnes; en favorisant des recoupements inédits, l'informatisation de ses archives a permis cette initiative exceptionnelle de la Commission des sépultures de guerre du Commonwealth.
Là où on pouvait lire

A Lieutenant

Of the great War

Irish Guards

known unto God



Une pierre tombale a été érigée sur laquelle on peut lire désormais:

Lieutenant

John Kipling

Irish Guards

27th september 1915 age 18


Le fameux poème If a été écrit en 1910. Son fils n'a jamais pu devenir un homme.

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