Un amour dangereux
de Ben Okri

critiqué par Septularisen, le 13 septembre 2009
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
L’AFRIQUE AU JOUR LE JOUR…
L'histoire de ce livre se situe au Nigeria, sur le plan historique elle se situe juste après la guerre du Biafra. Omovo est un jeune homme qui vit dans un ghetto très pauvre de la banlieue de Lagos. Son univers est partagé entre la réalité sordide et glauque qui l’entoure, - une famille déchirée, avec une mère décédée, un père fraîchement remarié, qui a chassé ses deux fils aînés de la maison familiale, une belle mère qui le déteste, un travail qu’il n’aime pas dans une entreprise rongée par la corruption et le népotisme,- et son rêve de création.
En effet, Omovo peint depuis son plus jeune âge et c’est là sa seule véritable passion dans la vie.

Omovo essaie par tous les moyens de donner un sens à sa vie et de trouver des raisons d'espérer au milieu de toute cette misère. La branche à laquelle il s'agrippe avec une volonté féroce est donc la peinture.
Son regard d'artiste fin et sensible lui permet de peindre toute la désolation de son pays et de sa ville en plein développement : les tas d'ordures, les maisons sans toit, les enfants squelettiques, les arbres décharnés, la misère, la pollution, le trafic et les embouteillages, la saleté, les huttes de tôle, les routes pleines de trous, les enfants qui meurent de faim…
Ses toiles seront d’ailleurs saisies lors d’une exposition, par les représentants de la dictature militaire au pouvoir, car trop réalistes et montrant trop la misère de son pays…

Face au quartier où il vit, Omovo fait la connaissance de la jeune et belle Ifeyiwa. Celle-ci a été mariée de force au vieux et brutal Takpo et mène une vie misérable dans la plus grande des solitudes. Les deux jeunes tombent amoureux et cet amour leur permet, pendant de courts instants d’échapper à la sordide réalité qui les entoure… Mais la terrible réalité va bientôt les rattraper…

L'histoire de ce roman sert surtout à Ben OKRI à dénoncer les "travers" de son pays, qui sont de prés ou de loin, les mêmes que tous ceux des pays d'Afrique (ou d'ailleurs) en voie de développement : dictature, corruption généralisée dans les milieux gouvernementaux, détournements de fonds, logements qui ne sont jamais construits, émeutes, police politique, disparition de personnes, exécutions sommaires, pétrodollars qui ne profitent qu'à certains, et les jeunes qui n'ont plus d'avenir et ne pensent qu'à émigrer au Etats-Unis d'Amérique...

J’ai été agréablement surpris par la très grande maîtrise et l'affirmation du style de Ben OKRI. Un texte d’un réalisme dur, clair, au rythme soutenu, avec un fort souci du détail et d’une grande beauté. L’écriture toute en images de l’auteur m’a frappé par sa beauté ainsi p ex. «Chako se moucha et le bruit ressembla à celui d’une scie dans un morceau de bois», ou «Simon avait la vivacité d’un criquet et un air perpétuellement affamé», ou encore «Le ciel avait la couleur d’une barbe de vieillard»…

On l’a souvent dit et répété, si les lettres du Royaume-Uni, sont en si «grande forme», en ce début de millénaire, c’est aussi, en partie, grâce au «club» de ces écrivains, nés dans des pays aux confins de son ancien empire colonial, et qui débarqués à Londres, n’ont eu d’autres objectifs que de faire entendre la voix de leur pays d'origine.
C'est ainsi que l'Inde, l’Afrique du Sud, Trinité-et-Tobago, le Nigeria, ou encore le Pakistan «ont donné» à la littérature Anglaise, respectivement : Salman RUSHDIE , Warwick COLLINS, Vidiadhar Surajprasad NAIPAUL (Prix Nobel de Littérature 2001), Buchi EMECHETA, Hanif KUREISHI.

Et parmi ceux-ci, bien sûr, Ben OKRI… Le Nigérian, déjà pressenti à plusieurs reprises pour le Prix Nobel de Littérature, est sans conteste, un des auteurs Africains actuels à découvrir avec le plus d’urgence…