Le petit canard
de Jacques Laurent

critiqué par Garance62, le 11 septembre 2009
( - 61 ans)


La note:  étoiles
A quoi peut tenir une vie ?
Il est jeune. Pas encore dix-huit ans. Nous sommes en France en 1939. Antoine veut devenir un homme prestigieux. Cette seconde guerre mondiale peut lui procurer l'occasion de le devenir s'il s'engage. Car il y songe mais doit attendre l'âge règlementaire. D'un autre côté, il y a Sophie.. Sa première histoire d'amour. Éblouissante.

Derrière l'apparente banalité du sujet exposé ainsi c'est d'un thème bien plus grave dont il est question. D'un sujet qui opposait Jacques Laurent, membre du groupe des Hussards à Jean-Paul Sartre et dont il dit dans une interview retranscrite en début d'ouvrage : « C'est dans les livres de Sartre qu'on choisit ». C'est du hasard dont il est donc question ici. Du basculement possible d'une vie en rapport à ce qui aurait pu n'être qu'un épisode sans importance. Cela me rappelle une phrase d'Antoine de Saint-Exupéry dans « le Petit Prince » : « Il avait pris au sérieux des mots sans importance et était devenu très malheureux ». C'est donc aussi de sensibilité qu'il est question. Et de désillusion profonde. Beaucoup de thèmes traités avec finesse au travers d'une histoire qui aurait pu passer pour un badinage. Et qui ne l'est point.

Jacques Laurent ne démontre rien dans son livre. Il laisse la porte ouverte aux possibles discussions :« la réponse du romancier est plus légère [que celle d'un avocat] puisqu'il n'a pas à expliquer ».

Le dernier thème abordé, douloureux dans cette fin inattendue, est celui de l'amour d'un père pour son fils. Chacun y trouvera sa réponse et l'auteur nous y invite aussi puisqu'avec magnanimité il se retire et nous laisse face à notre pensée : « Un auteur n'a pas plus à commenter qu'un peintre à adjoindre une notice à son tableau ».

L'écriture, d'un style proche des romans du XIXème, nous donne à lire des tournures un peu anciennes avec juste ce qu'il faut de difficulté (en ce qui me concerne..) pour savoir en relisant avec délice certaines phrases que le texte a passé avec bonheur les décennies. Ce livre date de 1954.