Gabrielle Roy et le nationalisme québécois de Ismène Toussaint

Gabrielle Roy et le nationalisme québécois de Ismène Toussaint

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Dirlandaise, le 31 août 2009 (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 68 ans)
La note : 8 étoiles
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Prisonnière de deux pays

Gabrielle Roy est considérée par le grand public et les universitaires comme la pionnière du roman urbain, social, psychologique et féministe et comme un grand écrivain de la condition humaine. Issue d’une famille pauvre du Manitoba, une province canadienne à forte majorité anglophone, la famille de Gabrielle Roy a toujours conservé l’usage de la langue française malgré l’oppression et les humiliations subies de la part de la communauté anglophone. Les ancêtres de Mme Roy ont fui la misère vécue au Québec pour venir s’installer au Manitoba. Ils y résident depuis deux générations à la naissance de Gabrielle. Le Québec est toujours bien présent au sein de la mythologie familiale et il est considéré comme la mère patrie, le foyer, le pays qu’on a dû abandonner et qu’on ne rêve que de retrouver, ce que fera Mme Roy en s’y installant définitivement en 1950.

Dans ce contexte, comment comprendre l’absence de fibre nationaliste et le refus d’engagement pour la cause de l’indépendance du Québec dont fera preuve Gabrielle Roy toute sa vie, allant jusqu’à se moquer ouvertement de René Lévesque en le raillant sur ses mimiques et ses manies. Elle était ouvertement anti-indépendantiste et ne se gênait pas pour le proclamer ce qui est d’autant plus étonnant de la part d’une femme dont la famille a subi l’opprobre et l’ostracisme au Manitoba en raison de sa langue et de ses origines québécoises.

Ce petit livre est en fait une conférence prononcée devant les membres de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, par Ismène Toussaint dans le but de clarifier et de tenter d’expliquer l’étrange comportement de Mme Roy face au nationalisme québécois. La première partie est constituée d’une très intéressante biographie de l’écrivaine qui raconte son enfance et son adolescence à Saint-Boniface, un petit village du Manitoba, ses études, son départ pour la France et l’Angleterre, ses tentatives d’exercer le métier d’actrice, la découverte de sa vraie passion soit l’écriture, son retour au pays, son installation définitive au Québec dont elle est une ardente amoureuse, ses succès littéraires, la popularité et la gloire qu’elle aura beaucoup de mal à assumer.

La deuxième partie relate la relation passionnelle que l’auteure entretient avec le Québec. Quant à la troisième et dernière partie, le cœur du sujet y est abordé soit le nationalisme québécois et les raisons de l’opposition de l’écrivaine à l’indépendance du Québec.

J’ai beaucoup aimé ce petit livre succinct mais très riche et bien documenté. Le sujet est passionnant et je m’y suis plongée avec délice mais aussi beaucoup d’appréhension car je ne peux rester indifférente à la prise de position étonnante de Mme Roy face à la libération de notre pays. Je peux comprendre cependant la dualité d’appartenance de cette femme, ayant fait toutes ses études en langue anglaise et dont la famille résidait encore dans une autre province. Plusieurs tentatives d’explications du phénomène sont avancées et certaines d’entres elles m’apparaissent évidentes entre autres le fait que Mme Roy aurait craint de perdre son lectorat anglophone si elle s’était affichée ouvertement comme indépendantiste. Elle craignait une importante baisse de son succès et donc, elle a refusé toute sa vie de prendre position en faveur de l’indépendance. Je trouve que cela relève d’un manque de courage politique et d’une volonté de protéger ses intérêts personnels avant la libération d’un peuple mais j’arrête ici mes jugements.

À lire pour ceux que la cause du nationalisme québécois intéresse. Le sort de la minorité francophone manitobaine est également un élément important de ce livre qui donne à réfléchir. Enfin, c’est excellent malgré que ce soit très court, ce que je regrette vivement car le sujet est passionnant.

« Le regret du Québec se traduit, chez ces exilés, par un véritable culte voué à la mère patrie. Le temps, l’éloignement et l’imagination aidant, cette dernière se transforme pour eux en une sorte de paradis perdu, d’Eldorado disparu, de pays du bonheur inaccessible. Dans les romans de Gabrielle Roy, nombreux sont les pionniers à s’éteindre dans le chagrin de n’avoir jamais revu leur terre originelle. »

« Ainsi, Gabrielle demeurera toujours prisonnière de deux pays, oscillant sans cesse en pensée, en rêve et dans son œuvre entre un Québec de plus en plus imaginaire et un Manitoba romantique, de plus en plus inaccessible. »

« Avouons que le paradoxe est de taille : un auteur d’expression française, issu d’une minorité opprimée sur le plan linguistique, venu vivre au Québec pour écrire dans sa langue, et qui ne la défend pas contre les menaces d’invasion de l’anglais ! »

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