Félicité
de Katherine Mansfield

critiqué par Sahkti, le 22 août 2009
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Bonheur absolu, mais jusqu'où ?
Vous est-il déjà arrivé de vous sentir, à un moment donné, tellement heureux que cela ressemblait à de l'ivresse, voire de la folie ?
C'est ce qui arrive à Bertha Young, jeune femme à la vie bien rangée et au mariage sans soucis, qui ressent plusieurs fois au cours d'une journée des moments d'intense passion, de bonheur absolu. Au point de parfois culpabiliser - ô si peu - et se demander si tout cela est normal. Se sachant incomprise des autres lorsqu'elle évoque ces instants de pure volupté, elle conserve tout cela au creux d'elle-même, ce qui ne fait que renforcer cette sensation d'étouffement qui s'empare d'elle en même temps que cette extase temporaire.
Lors d'une soirée organisée avec des amis chers, le sentiment réapparaît et Bertha réalise qu'une des convives vit la même chose qu'elle. Ce qu'elle prend pour une affection commune, voire une complicité en devenir, va se révéler l'objet d'une terrible souffrance.

Ce personnage de Bertha est étonnant de passion et d'insouciance juvénile. Au diable les conventions, elle veut être heureuse et savoure l'instant présent. Son bonheur n'est parfait que lorsque tous les éléments heureux qui composent sa vie y retrouvent leur place, laissant ainsi à son coeur tout le loisir de les admirer.
Le lecteur s'attache à elle, tout en éprouvant ceci dit de temps à autre une pointe d'agacement face à tant d'enthousiasme mais comme souvent chez Katherine Mansfield, le bonheur cache quelque chose, en particulier lorsqu'il paraît immuable. C'est encore le cas ici.
Un récit qui se lit avec fluidité et facilité, tel un long fleuve qui s'écoulerait tranquillement jusqu'au rapides.
Katherine Mansfield est dotée d'une belle plume, efficace pour dépeindre les travers de nos consciences passives et nos existences faites d'apparences. Moins caustique que Wharton ou Woolf, je l'ai déjà dit, mais tout aussi douée pour parler des autres et de la société bourgeoise dans laquelle se déroulents ses récits.