La foi et le pouvoir : Le Vatican et l'Italie, de Pie IX à Benoît XVI
de Sergio Romano

critiqué par Shelton, le 14 août 2009
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Une bien belle étude politique...
Parlons laïcité ! J’ai choisi, pour nous accompagner dans cette réflexion, « La foi et le pouvoir, le Vatican et l’Italie, de Pie IX à Benoît XVI », de Sergio Romano.

Sergio Romano fut un diplomate italien. Il se souvient, lorsqu’il a terminé son cursus de formation, de sa prestation de serment sur la Bible. On était en 1954 :

« J’ai juré fidélité à la République dans un des grands salons du palais Chigi. Je m’attendais à trouver sur la table, à côté de la formule rituelle, la Constitution de la République italienne. Or le texte sur lequel je dus poser la main était celui des Evangiles… Dans les années cinquante, les Evangiles étaient, en Italie, dans les liturgie de la République, l’équivalent de la constitution dans les pays de démocratie laïque. »

Il ajoute un constat qui le fait souffrir profondément :

« La présence de l’Eglise dans la vie civile était beaucoup plus forte qu’elle ne l’avait été sous le fascisme. »

C’est probablement pour cette raison qu’il a eu envie de faire une étude plus exhaustive des relations tumultueuses entre pouvoir et foi. Pourtant, dans ces fameux Evangiles, on trouve une phrase du créateur du christianisme assez clair : il faut rendre à césar ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. En clair, spirituel et temporel sont deux champs d’action différents et on ne doit pas mélanger les deux…

Il est effarant de lire quelques unes des situations vécues à la fin des années cinquante sur la Péninsule. En particulier de voir comment des évêques pouvaient prendre la parole sur des questions politiques, sociales, individuelles et morales… Un prélat pouvait condamner, ou presque, un couple ayant refuser de se marier à l’Eglise… Heureusement, le bûcher n’était plus en usage depuis longtemps…

Aujourd’hui, il n’est pas rare d’entendre encore des discours d’Eglise sur le divorce, les relations sexuelles hors du mariage, la contraception, l’avortement, le communisme… L’auteur aborde, aussi, les déboires financiers et délicatement politiques du Banco Ambrosiano, organisme financier si proche du Vatican… Situation fort tangente quand on veut donner des leçons d’éthique aux autres…

L’auteur ne veut pas condamner les responsables de l’Eglise au silence, car dans une démocratie, tout le monde peut s’exprimer. Prendre la parole comme les autres, exprimer une opinion, donner un avis, s’élever contre une mesure ou une autre… mais en le faisant comme les autres, en se mettant à la même hauteur que tous les citoyens d’un pays, en ne s’exprimant pas ex-cathedra comme si le simple fait d’être évêque donnait une infaillibilité sur des questions aussi diverses que l’éducation, l’économie, la représentativité syndicale, la morale sexuelle…

Rendons à César ce qui est à lui et à Dieu ce qui relève de son pouvoir… Il faudrait, d’ailleurs, rappeler à chacun d’entre nous et à notre Président que nous sommes dans une République laïque, un pays où depuis longtemps le religieux et le politique mènent une existence séparée… Il veut tout régenter, tout gérer, tout légiférer… Attention ! Danger !

Ce très bon livre de Sergio Romano devrait donner aux lecteurs des éléments pour une réflexion plus solide sur la laïcité, pour concevoir ce qui pourrait être fait pour vivre mieux, tous ensemble, sans se créer des barrières infranchissables et meurtrières entre religions, philosophies ou manières de concevoir la vie…