La Gloire d'Albert
de Étienne Davodeau

critiqué par Blue Boy, le 30 juillet 2009
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Une si douce France…
Albert a deux gosses, une femme, et deux crédits sur le dos. Il bosse au Bricomat du coin et fait office de figurant dans le spectacle son et lumière organisé par le dirigeant local du parti d’extrême-droite, « Nos valeurs, notre terroir ». Il participe aussi aux milices de ce même parti qui prétend nettoyer la région de tous les dealers mettant en péril la vie de sa belle jeunesse. Mais un soir, il va être témoin de la mort du chef des milices du parti, assassiné par deux individus qui cherchent à maquiller le crime en accident… L’occasion sera unique pour Albert et sa vieille carabine de vivre enfin son heure de gloire…

Cette histoire de barbouzerie politique faisant référence de manière à peine voilée à la Vendée de Philippe de Villiers est très bien ficelée. Comme toujours, les personnages sonnent si juste qu’on a l’impression qu’ils ont vraiment existé. Il s’agit d’un récit âpre au constat cruel : l’homme est un loup pour l’homme de manière générale et encore davantage dans un parti prétendant défendre la veuve et l’orphelin.

Si Davodeau passe pour un auteur militant, il ne se berce pas pour autant d’illusions. Dans « La Gloire d’Albert », les deux « mercenaires » vaguement gauchistes ne sont pas des enfants de chœur. Si l’un, pas très fier de faire un sale boulot, essaye péniblement de s’identifier à un aficionado héroïque du Che, l’autre ne s’encombre pas de scrupules, seulement guidé par le besoin de fric et une âme noire comme l’encre, à peine égayée par ses sarcasmes assassins. Quant au brave Albert, rabaissé au quotidien par un petit chef condescendant, il représente l’électeur et adhérent idéal pour tout politicien démagogue et peu scrupuleux, le figurant sans visage d’une énorme fumisterie qui le dépasse.

L’histoire est captivante dès les premières images et bénéficie du graphisme sobre et enlevé de son auteur et de textes percutants. Les regards et les poses sont toujours placés au bon endroit et au bon moment, et l’on sait d’avance qu’il va y avoir du grabuge. Rien à dire sur le scénario qui pourra en déconcerter certains par son pessimisme ou sa fin abrupte. Pas de happy end ici, c’est juste la réalité brute et concrète dans une France provinciale qui se met le doigt dans son œil bovin, vouée corps et âme à un sauveur d’opérette fascisant. Le contexte relèverait plus de la mafia napolitaine que du folklore abrutissant du Puy du Fou, sans vouloir forcer le rapprochement avec la Vendée et son célèbre vicomte aux petits yeux perfides.

Davodeau, un auteur engagé à découvrir et à apprécier.