Le grand soir
de François Dupeyron

critiqué par Sahkti, le 24 juillet 2009
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Les souvenirs de Gustave Courbet
Gustave Courbet est au crépuscule de sa vie, il se trouve en exil à Genève et, croisant le chemin d'une prostituée au détour d'une ruelle sordide, il croit reconnaître en elle sa belle aimée Joe, celle qui lui a inspiré le célèbre tableau "L'origine du monde". Son esprit se perd dans les méandres du souvenir et, après avoir accepté de monter avec ce client bizarre, cette fille de joie, qui n'est pas Jo mais Mona, va jouer ce rôle et recevoir les confidences du maître. Un homme qui se confie à elle et évoque les événements historiques marquants de 1870, ceux qui lui ont valu, entre autres, de se retrouver à Genève aujourd'hui.
La Commune est au centre du récit, Courbet narre ses espoirs mais aussi ses déceptions, avec rancoeur, finesse et amertume.

François Dupeyron ne livre pas ici une biographie à proprement parler mais une fiction biographique. Rien de bien neuf n'apparaît donc dans la vie du peintre mais ce parti-pris de raconter de l'intérieur ce monde qui entoure Courbet est remarquablement bien mené par Dupeyron et c'est cela qui est intéressant.
L'auteur déploie une plume dymanique et efficace pour donner des tonalités orales à son récit et offrir à Courbet une parole plus vivace que jamais, pleine de gouaille. Ivre de mots et d'alcool, empli de fureur, Courbet prend littéralement vie sous la plume de Dupeyron, on a l'impression de l'entendre maudire cette époque ou taper du poing sur la table. Ce serait presque un roman de l'excès, avec les libertés d'écriture que cela impose par rapport à certaines règles de narration et tant pis si par moments, ça semble confus ou traîne en longueur, c'est tout un univers que Dupeyron recrée sous nos yeux. Ce n'est pas pour rien que l'auteur fait du cinéma, son roman est visuel et palpable.

Courbet est un homme qui vit, qui aime, qui revendique la liberté, alors 1870... on peut comprendre à quel point il en attendait beaucoup. La déception n'en sera que plus grande. Courbet a besoin de vider son sac, de raconter les massacres, les combats et les errances, comme pour exorciser ce drame qui le hante, comme pour tenter d'accéder à une paix utopique avant de quitter cette terre violentée. Une rage de vivre et de mourir bien traduite par François Dupeyron dans cette frénésie de langage, parce que c'est "Le grand soir", le moment ou jamais...