Les intrus
de Per Gunnar Evander

critiqué par Débézed, le 6 juillet 2009
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Affabulation, délire ou réalité ?
Je ne connaissais rien de cet auteur quand on m’a demandé de formuler un avis sur ce livre que j’ai lu comme je regarde, parfois, cette fameuse émission de télévision qui présente les grandes affaires judiciaire de ces dernières années. Ce roman est écrit comme le script de ces émissions : des petits chapitres courts qui rappellent certaines faces de la vie du principal protagoniste, entrecoupés par des témoignages de gens qui l’ont connu et qui peuvent apporter un quelconque éclairage sur les événements racontés. Evander nous livre ainsi une sorte d’enquête sur la vie d’Hadar Forsberg rédigée comme un rapport de police en se contentant de transcrire les faits et les témoignages sans formuler d’avis ou autres considérations de ce genre.

Hadar Forsberg est le fils aîné d’un couple de paysan suédois qui refuse, selon la tradition, de rester avec ses parents pour les seconder dans les travaux de la ferme et part vers la ville où il travaille principalement comme veilleur de nuit dans une usine avant de cesser toute activité pour se consacrer à l’écriture. Ses talents littéraires ne sont pas reconnus malgré la publication de quelques poèmes et il essaie, toujours en vain, de produire le roman qui lui apportera la notoriété et un meilleur moyen d’existence. Il laisse surtout un volumineux journal qui permet de mieux connaître les faits évoqués dans cette enquête. Sa vie bascule progressivement quand un gamin qui vient frapper à sa porte, prétend être son fils naturel et qu’il l’accueille. Ce gamin bientôt en amène un autre puis un autre, puis …, etc…, et, cette invasion finit par dégénérer en une sordide histoire.

Ce roman ne déroge en rien à la tradition nordique et il comporte sa part de tragédie, les destinée sont rarement heureuses dans ces froides contrées. A travers cette petite enquête, on dirait qu’Evander veut nous montrer que la banalité peut facilement basculer dans l’horreur et que le destin peut frapper n’importe qui, n’importe quand mais surtout ceux qui trainent le boulet du péché et notamment de l’adultère qui est toujours un lourd fardeau en ces terres puritaines. Ces enfants naturels, surgis de la ville, du délire éthylique de Frosberg ou simple affabulation du romancier raté sont comme un coup de canif dans la réputation de ce fameux modèle social suédois tant vanté qui laisserait tout de même suffisamment d’espace pour que des bandes de jeunes voyous puissent se constituer comme partout ailleurs en Europe.

Pour ces jeunes l’image de ce père est aussi une parabole d’une société pervertie et ramollie qu’il rejette, « … ils sont fiers d’avoir un père dont « l’état est le reflet de celui du monde ». Il ajoute aussi que leur fierté est comme renforcée par le fait qu’il n’y a en pas beaucoup dans le pays qui ont un père comme lui. » La démonstration est très sobre mais aussi très efficace.