Le Chevalier d'Éon : « Une vie sans queue ni tête » de Maurice Lever, Évelyne Lever (Co-auteur)

Le Chevalier d'Éon : « Une vie sans queue ni tête » de Maurice Lever, Évelyne Lever (Co-auteur)

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Miss teigne, le 11 juin 2009 (Inscrite le 6 mars 2008, 42 ans)
La note : 8 étoiles
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Tel est pris qui croyait prendre

Le doute a toujours plané sur l’identité du Chevalier d’Eon. Etait-ce un homme ? Une femme ? Un hermaphrodite ? Pendant quarante-neuf ans, il a porté l’uniforme alors que durant trente-trois années, elle a promené sa "robe d’innocence" dans les salons de France et d’Angleterre.

Le jour de sa naissance, le 4 octobre 1728, il est impossible de se prononcer sur le sexe de l’enfant. Né "coiffé", des matières fœtales appelées à disparaître lui recouvrent la tête et le sexe. En attendant, il sera baptisé Charles Geneviève Louis Auguste André Timothée d’Eon de Beaumont. Peut-on pour autant parler d’ambiguïté innée… ? La question qui se pose est plutôt de savoir pourquoi celui qui se trouvait être vraisemblablement un homme a prétendu être une femme pendant tant d’années ? Les premières rumeurs quant à sa féminité remontent à 1770. Jusque là rien ne la laissait suggérer vu que le Chevalier d’Eon menait des activités on ne peut plus viriles.

Membre actif du Secret de Louis XV, il fut désigné comme secrétaire d’ambassade en Russie afin d’espionner la cour de la Tsarine Elisabeth. Il y resta quatre ans. Après un court retour en France, il fut envoyé à Londres en tant que Ministre plénipotentiaire, sa mission d’espionnage étant toujours d’actualité. Là, l’attendaient quelques belles années pendant lesquelles D’Eon collectionna les livres, les fréquentations utiles et les dettes. Capitaine des dragons, bretteur émérite et intellectuel patenté, cet original fort en gueule qui rencontrait le succès dans toutes ses entreprise suscitait engouement et admiration. Les Anglais en raffolaient alors que ses ennemis français se multipliaient et lui cherchaient querelle. Le Comte de Guerchy alla jusqu’à tenter de l’enlever et assassiner. Ce fut le début d’un vaudeville dont D’Eon sortit glorieux au yeux des Anglais. Beaumarchais, bien plus tard, spécula sur la virilité du Chevalier, ce qui entraîna entre eux une correspondance venimeuse. Il reste que la France s’impatientait des excentricités de son agent ainsi que de ses occupations dispendieuses.

Lorsque le Secret perdit sa raison d’être, D’Eon perdit de son utilité. Commença alors une nouvelle comédie. D’Eon était un comédien accompli. Endetté, il réclama à cor et à cris que le Roi essuie ses découverts et qu’il lui octroie une pension à vie pour ses bons et loyaux services. Devant l’inertie du souverain, il n’hésita pas à recourir au chantage en menaçant de divulguer des informations confidentielles. Mais on ne discute pas impunément les ordres du Roi de France ! Dès ce jour, rentrer dans ce pays dont il avait la nostalgie s’avérait périlleux. Il risquait fort de ne revoir sa campagne du Tonnerre qu’à travers les barreaux d’une prison, à moins que…

1770. Les premières rumeurs sur sa féminité circulent d’autant qu’on ne lui connaît pas d’aventures, ni féminines ni masculines ( ce qui lui valait d’ailleurs moqueries de la part de son ami le marquis de l’Hôpital qui se gaussait gentiment de la paresse de sa "terza gamba").

1775. D’Eon confirme son état et donne des preuves "palpables" de sa condition. Les paris sont lancés. Le Tribunal anglais tranche. D’Eon aspire à retrouver sa Bourgogne natale. Louis XVI garantit à la Chevalière d’Eon qu’elle ne sera pas inquiétée par la Justice mais lui impose en contrepartie de son retour en France de "porter les habits de son sexe". S’ensuivront des années de tergiversations et de suppliques auxquelles le Roi restera sourd. Pourtant, le Chevalier/Chevalière souffre réellement de ne plus porter l’uniforme.

Mais chose étrange, lorsqu’il partira pour l’Angleterre en 1785 pour y régler quelques affaires et qu’il pourra revêtir la mise qu’il souhaite, il restera habillé en femme jusqu’à sa mort en 1810. Ironie de la vie, il sera inhumé dans le Comté du Middlesex… On peut dire que l’ambiguïté qu’il aura soigneusement entretenue l’aura suivi dans la tombe.

Peut-on uniquement expliquer le goût du travestissement du Chevalier d’Eon par les manœuvres que nécessitaient ses missions ou encore par sa rouerie, dans le but de tromper la justice française? Ou est-ce le signe d’une ambiguïté plus profonde, d’un trouble de la personnalité ? Les auteurs font la lumière sur une affaire qui a fait couler beaucoup d’encre au 18ème siècle. Ils ont saisi le burlesque des affaires qui ont agité l’existence du Chevalier D’Eon. Selon eux, on ne peut se fier aux nombreux écrits rédigés de la plume du Chevalier qui ponctuent ce récit passionnant. Son autobiographie, essentiellement, lorsqu’il traite de sa virilité/féminité ne relèverait que du fantasme. S’il ne faut guère le croire, le plaisir à le lire n’est tout de même pas des moindres. Sa verve n’a d’égal que son humour. Il se lit avec délice. Son audace et son toupet font sourire. D’Eon est ici décrit comme un personnage insolite, narcissique, coléreux, manipulateur larmoyant, parfois incohérent mais particulièrement drôle et imaginatif.

Spirituel et fielleux, il dira de Beaumarchais : "Il est semblable au mulet, il mettrait volontiers une cloche à ses deux oreilles plutôt que de ne pas étourdir les passants du bruit de son existence".

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