Martin Luther King : Le visionnaire de Lilas Desquiron, François Forestier

Martin Luther King : Le visionnaire de Lilas Desquiron, François Forestier

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Miss teigne, le 27 mai 2009 (Inscrite le 6 mars 2008, 42 ans)
La note : 8 étoiles
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"Un saint aux pieds d'argile"

Issu de la petite bourgeoisie noire de Montgomery, Martin Luther King était un élève médiocre. Mais très tôt, on décèle chez lui un talent particulier pour la rhétorique, prémisse de ce qui fera ultérieurement de lui un orateur hors pair. La religion est très présente dans la famille King et les fonctions de pasteur qu’exerçaient le père, le grand-père, l’oncle et le frère lui tracent un chemin qu’il pense prédestiné. Même si son premier choix le porte vers la médecine, c’est la chaire protestante qui lui permettra donc d’abord d’exercer son talent de tribun.

C’est dire s’il fallait maîtriser l’art de la rhétorique et brandir des arguments bien enrobés pour convaincre toute une population de faire de la "non-violence" son credo, une réponse pondérée aux brutalités et humiliations subies par un peuple ségrégué. D’autant qu’il doutera lui-même un moment donné du bien-fondé de sa méthode. Au final, il déplorera la violence mais la comprendra. Il est en effet conscient que le milieu dont il est issu l’a plus favorisé que d’autres, que Malcolm X par exemple, né dans les rues de Harlem.

Il faut convaincre mais aussi montrer l’exemple. La crédibilité est à ce prix. C’est donc naturellement que MLK se mêle aux manifestants pacifiques galvanisés qu’il a encouragé à envahir les rues d’Albany, Birmingham ou Selma dans de longues marches revendicatrices. C’est avec conviction qu’il organise les boycotts, sits-in et breadbaskets dans l’espoir que dans leur lassitude les dirigeants du pays tendent enfin l’oreille non plus pour écouter ou considérer leurs requêtes mais bien pour appliquer l’égalité qu’ils prônent hypocritement. Bientôt, son engagement s’étendra contre la pauvreté car il pense que c’est peut-être bien elle le nerf de la guerre et que la guerre raciale n’est peut-être en vérité qu’une guerre sociale. Ses collaborateurs estiment qu’il se disperse, qu’il délite la lutte contre la ségrégation surtout quand il prend position contre la guerre du Vietnam. Pourtant, les Noirs y servent de chair à canon. MLK se transforme alors en leader politique.

Considéré comme un agitateur, sa disparition en arrangerait plus d’un. Entouré constamment de gardes du corps, King se doute bien durant tout le temps que durera la bataille qu’une mort brutale y mettra fin. Et il l’attend à chaque détour d’une rue. Mais la pensée que d’autres se lèveront après lui l’encourage. Les menaces de mort contre sa personne sont courantes et les attentats échouent. Les moments de déprime et d’effroi ne sont pas rares mais il persistera.

Se peut-il qu’un homme puisse faire preuve d’abnégation à ce point ? Un martyr ? Sans peur ? Non, sa peur est palpable et il l’avoue sans fausse honte. Sans reproches ? Certes pas. Martin Luther King n’est pas un saint, dans la sphère privée du moins. Un proche, William Rutherford, le qualifiait plutôt de "saint aux pieds d’argile". La défaillance du pasteur ? La chair. Cet homme est déchiré entre la croisade qu’il mène dignement contre la ségrégation et le péché de luxure, faiblesse gênante pour un ministre du culte. Cet homme charismatique à la voix puissante et captivante a un talon d’Achille fâcheux pour un homme qui prêche la bonne parole. Doté d’un appétit sexuel débordant, il se livre véritablement à une vie de débauche discrètement mais scrupuleusement étudiée par le FBI, à l’époque dirigé par J. Edgard Hoover. MLK aime séduire, certes. Mais cela peut-il expliquer la dépravation de ses mœurs? Dépravation dont il n’a de cesse de se repentir pour ensuite y sombrer plus profondément encore, à la limite du blasphème. Le découragement qui le minait, la dépression qui le guettait ne sont peut-être pas étrangers à ces débordements même s’ils ne l’excusent en rien. Peut-on pour autant amenuiser ses efforts dans le combat acharné mais non-violent qu’il a mené ? Ses détracteurs pourront fustiger sa corruption morale bien réelle dans le but de souiller le personnage, il n’en reste pas moins que MLK a acquis une aura indéniable. Seul un meurtre aura pu déraciner l’un des chantres de la résistance non-violente mais non moins active et déterminée.

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