Physiognomy
de Jeffrey Ford

critiqué par CC.RIDER, le 17 mai 2009
( - 66 ans)


La note:  étoiles
"Pure beauté"
Cley est physiognomoniste de première classe auprès du Maître Drachton Below, un tyran impitoyable doté de pouvoirs étonnants, qui règne sur un royaume où chaque sujet tremble comme une feuille à la simple évocation de son nom. En plus de sa cruauté et de son intolérance, ce potentat maintient ses sujets sous sa dépendance grâce à une drogue de sa composition, la « pure beauté ». Et voilà que quelqu’un a dérobé un fruit merveilleux, susceptible de garantir l’immortalité et toutes sortes de pouvoirs à celui qui le consommera. Le maître, qui n’admet pas que ce fruit lui échappe, souhaite ardemment le récupérer. Cley est chargé de trouver le coupable et de rapporter la merveille. Mais celui-ci n’est pas un enquêteur comme les autres. La « science » qu’il exerce, la physiognomie, s’attache à définir le caractère des sujets étudiés à partir des traits de leur visage et d’autres spécificités anatomiques plus intimes. Mais elle va même jusqu’à faire office d’unique manière d’enquêter et de rendre la justice…
Le véritable intérêt de ce roman étrange ne réside pas seulement dans cette intrigue assez légère, mais dans la description de l’univers étonnant de la Cité impeccable, lieu aussi fantasmatique que totalitaire. Baroque, étonnant, onirique, (on se croit parfois dans un rêve, un cauchemar ou un délire sous LSD) ce roman passionne surtout par la description de cet univers incroyablement original et parfaitement déjanté. Ford est le digne héritier de Kafka (l’absurde) et d’Orwell (le totalitarisme et le culte de la personnalité) et partiellement de Tolkien par le côté christique de son héros et par les nombreuses références bibliques : l’arbre de la connaissance du bien et du mal, le fruit défendu, le paradis terrestre et j’en passe… L’association qu’il fait de toutes ces influences, pas forcément contradictoires, est une totale réussite. De plus le style est parfaitement maîtrisé. Comme un acrobate de l’écriture, l’auteur rattrape son lecteur avant qu’il ne décroche avec une telle virtuosité qu’une fois le livre ouvert, on ne le lâche plus. La joie d’une vraie découverte, signalée d’ailleurs par Michel Houellebecq pendant l’interview qu’il avait bien voulu nous accorder l’an passé. Les amateurs de fantastique déjanté se régaleront. Cartésiens, rationalistes et autres matérialistes auront intérêt à passer leur chemin.