De sang et d'ébène
de Donna Leon

critiqué par Sahkti, le 28 avril 2009
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Actions clandestines
De sang et d'ébène, un titre qui colle parfaitement à l'intrigue de cette aventure du commissaire Guido Brunetti. Un vu compra, vendeur ambulant, est assassiné de cinq balles au milieu d'une foule de touristes américains. Vendeur à la sauvette de sacs de contrefaçon, l'homme, africain, n'a aucun papier sur lui et Brunetti va devoir remonter une bien triste filière pour arriver à enfin savoir de qui il s'agit. Outre le fait de mettre le doigt dans l'engrenage de cette immigration mal perçue et renfermée, il va également faire l'objet de mises en garde de la part du vice-questeur Patta qui lui annonce que l'enquête lui est retirée pour être confiée au Ministère de l'Intérieur. Les Affaires étrangères s'en mêlent également. Brunetti, perplexe, s'interroge et mène sa contre-enquête. Il ne pouvait se douter de l'imbroglio diplomatique dans lequel il avait mis les pieds…

Une affaire rondement menée par le commissaire Brunetti, avec une fin qui révèle l'impuissance face à cette situation. Donna Leon nous plonge dans l'univers de ces marchands ambulants, souvent des clandestins, qui n'ont d'autres moyens pour survivre que de haranguer les touristes pour leur fourguer une marchandise que de très puissants réseaux contrôlent de la fabrication à la vente, avec parfois l'assentiment tacite des autorités. Sans jamais citer ouvertement la Mafia, il est clair que celle-ci fait partie du jeu et, dans le cas présent, d'autres forces occultes font leur apparition. De quoi désemparer un Brunetti aimant croire en la perfectibilité de l'espèce mais souvent forcé de constater qu'il n'en est rien. Un des bons numéros de la série Brunetti.
Attachant, mais pas un vrai policier 7 étoiles

Donna Léon est un(e) des auteurs (ses) surfant sur la vague roman policier. Il y en a toujours, mais quand je vais dans une librairie, j'ai l'impression que les éditeurs découvrent sans arrêt de nouveaux auteurs. J'ai donc pris ( pas au hasard, en fonction des critiques des lecteurs) un des livres de Donna Léon et j'ai bien aimé, pour faire court. mais ce n'est pas vraiment un policier. En fait, l'inspecteur Brunetti est surtout un alibi pour nous présenter et nous faire réfléchir sur un problème de société, ici, les immigrés clandestins. Le tout sur fond de vie à Venise durant l'hiver, de vie familiale de l'inspecteur sur laquelle se rajoutent des problèmes d'éducation. Je trouve Brunetti très attachant avec ses problèmes familiaux, et la série des aventures serait beaucoup moins intéressante sans ceux-ci.

Senoufo - - 65 ans - 6 août 2010


Noël à Venise 9 étoiles

On l'a déjà dit, Donna Leon, c'est un petit peu la Fred Vargas italienne.
Et son dernier polar De sang et d'ébène est excellent, encore meilleur que le précédent : Dissimulation de preuves.
Toujours au premier plan, la ville de Venise et le commissaire Brunetti, ils sont désormais indissociables.
Le charme de Venise à Noël, voilà qui nous rappelle une récente escapade quand on arpentait les quais de la Sérénissime, sur les traces du commissaire Brunetti, rares touristes parmi les italiens en train de faire leurs derniers achats avant les fêtes.
On retrouve tout cela dans cet épisode, jusqu'aux blacks en train de vendre leurs contrefaçons de sacs Dolce & Gucci sur les pavés vénitiens.
Et justement, c'est l'un de ces Sénégalais qui est assassiné au beau milieu des touristes.

[...] - Il y avait des américains quand c'est arrivé.
- Comment savez-vous qu'il s'agissait d'américains, signora ?
- Ils avaient des chaussures blanches et parlaient fort.

C'était l'un de ces vu comprà ("vous achetez !" en VO) en vénitien de la rue, ou extracomunitari en italien politiquement correct.

[...] Il s'assit dans la cabine et ouvrit l'édition du matin du Gazzettino, mais il y apprit encore moins de choses que ce qu'il avait découvert lui-même la veille. Ne disposant que de peu de faits, le rédacteur de l'article avait choisi de faire dans le sentimental et de parler du terrible prix à payer pour ces extracomunitari qui tentaient si difficilement de survivre et voulaient gagner un peu d'argent afin de l'envoyer à leur famille. Le mort restait anonyme et sa nationalité n'était pas connue, même si l'on pensait qu'il était originaire du Sénégal, le pays d'où venaient la plupart des ambulanti. Un vieil homme, monté à Sant'Angelo, vint s'asseoir à côté de Brunetti. Il vit le journal et lut le titre en silence, puis dit : "Rien que des emmerdements, dès qu'on les laisse entrer. " Brunetti l'ignora.

Tiens donc, il y a quelques jours on évoquait les vagues du racisme qui s'attaquaient aux rivages de l'Islande, la patrie d'Indridason (c'était l'Hiver arctique). La lagune vénitienne ne semble pas non plus à l'abri.
Avec l'aide de ses rares collègues pas trop corrompus (dont la fameuse signorina Elettra dont on a déjà parlé la dernière fois !), Brunetti enquête sur cette exécution sommaire alors que le rapport d'enquête ... a disparu.
Ou plus subtilement et plus justement, comme le fait remarquer un collègue : on l'a disparu ...
Encore une lente et subtile enquête du commissaire Guido Brunetti, comme si la douceur de vivre vénitienne pouvait un temps masquer les dures réalités de la vraie vie.
Cet épisode est une excellente façon de découvrir les polars de Donna Leon.
Pour celles et ceux qui aiment les canaux de la Sérénissime, même en hiver.

BMR & MAM - Paris - 64 ans - 21 mai 2009