Mariés! de August Strindberg

Mariés! de August Strindberg
( Giftas)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone , Littérature => Nouvelles

Critiqué par Dirlandaise, le 27 avril 2009 (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 68 ans)
La note : 10 étoiles
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Quand Strindberg invente la poésie de la prose !

« « Mariés! » figure en Suède parmi les ouvrages de Strindberg qui sont les plus lus et les plus appréciés. » Je cite ici une phrase de la postface du livre signée par les deux traducteurs. C’est un livre qu’il faut lire absolument quand on désire approfondir notre connaissance du grand écrivain suédois car il constitue un document d’une incroyable richesse tant au niveau de la pensée que de l’expérience de vie de l’auteur.

En effet, pour écrire ses trente nouvelles, Strindberg puise son inspiration dans sa propre expérience de vie conjugale avec sa première femme Siri von Essen ainsi que dans celle de couples de son entourage. L'ouvrage est divisé en deux parties. En fait, il s’agit de deux livres réunis en un seul. Les nouvelles de la première partie sont d’une belle tendresse et d’un humour léger, ce qui est tout à fait étonnant car Strindberg est rarement ainsi dans ses écrits. Mais dans la seconde partie, je le reconnais bien car il devient amer, dur et sarcastique envers le mariage et son éternel combat à l’encontre du mouvement de l’émancipation de la femme, je dirais plutôt son obsession, transparaît presque à chaque page. Strindberg en devient presque mesquin et d’une basse méchanceté dans ses écrits. Il décrit la femme comme un être immoral, calculateur, paresseux, pervers et qui tyrannise l’homme d’une façon impitoyable. Il prend sans cesse le parti du pauvre mari, obligé d’entretenir sa femme et ses enfants de son dur labeur pendant que madame se prélasse sur le canapé du salon et refuse de s’occuper de ses enfants, laissant ce soin à la bonne et à la nourrice. De plus, la femme dépense allègrement l’argent du ménage alors que l’homme doit mendier à son épouse quelques sous pour son tabac ! Il aime bien exagérer mon cher auteur mais je lui pardonne car il est si drôle et attachant ! Et puis, je suis certaine qu’il aimait bien les femmes… enfin passons !

Plusieurs nouvelles de la première partie décrivent l’installation de nouveaux couples dans la vie conjugale. L’euphorie de la nouveauté, l’ivresse amoureuse, les sorties, l’union des cœurs règnent mais peu à peu, le désenchantement, les difficultés matérielles et la désillusion viennent prendre toute la place et commencent alors les querelles, les luttes, la haine. Et l’arrivée du premier enfant vient tout compliquer et rendre la vie encore plus intenable, métamorphosant le paradis des premiers temps en un véritable enfer terrestre. Certaines nouvelles mettent l’accent sur le partage des tâches et des responsabilités dans le couple, d’autres sur la gestion de l’argent et d’autres enfin sur la fidélité et la compatibilité des caractères. Étonnamment, plusieurs nouvelles se terminent sur une note joyeuse et optimiste. Quand il le veut, Strindberg est capable de laisser de côté son amertume et nous offrir des morceaux de littérature d’une tendresse et d’une douceur incroyables. Quand il est ainsi, il me touche profondément et je me sens très proche de lui.

Les personnages de Strindberg appartiennent presque tous soit à la haute aristocratie ou bien à un milieu aisé. Mais la ruine n’est jamais bien loin en raison des folles dépenses auxquels se livrent les conjoints irresponsables et négligents que ce soit l’homme ou bien la femme.

La nouvelle que j’ai préférée s’intitule « Automne » et parle d’un vieux couple qui veut revivre sa jeunesse mais se rend compte qu’il est inutile de se leurrer, ils sont bien à l’automne de leur vie malgré tous leurs efforts pour le nier. L’excellente nouvelle « Une maison de poupée » fait référence au livre d’Ibsen, analysé longuement par Strindberg dans sa préface.

Bref, c’est encore une fois une analyse remarquable des mœurs de l’époque et un regard acéré sur la société suédoise et en particulier sur le mouvement féministe que l’auteur avait en horreur. Il en profite d’ailleurs pour houspiller quelques femmes libérées de son entourage.

Le livre débute avec deux entrevues accordées par l'auteur à un journaliste et une préface de Strindberg lui-même. Il se termine avec la préface rédigée par Strindberg pour la seconde partie de « Mariés ! » ainsi qu’une postface des deux traducteurs, extrêmement riche et instructive du milieu dans lequel évoluait l’auteur lors de la rédaction de son livre. Plusieurs notes très intéressantes complètent l’ouvrage. Un document exceptionnel !

« Nous exigeons trop de la vie qui donne si peu. »

« Ses cheveux étaient blonds et doux comme du miel épuré et auréolaient son front d’une cascade de fines gouttelettes d’eau. Ses yeux jetaient des flammes, et sa peau était fraîche et douce comme la peau d’un gant. Ils étaient fiancés et s’embrassaient comme des oiseaux dans le jardin, sous le tilleul, dans la forêt, el la vie s’étendait devant eux comme une prairie ensoleillée qui n’avait pas encore été fauchée. »

« Quand le Christ fut à la mode et devint une puissance, les femmes commencèrent à réfléchir à la façon dont elles pouvaient l’exploiter ou le détrôner ! » (préface)

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