Le Concile d'amour
de Oskar Panizza

critiqué par FROISSART, le 24 avril 2009
(St Paul - 76 ans)


La note:  étoiles
L'avis de Patryck Froissart
Titre: Le Concile d'Amour
Auteur: Oscar Panizza
Titre original: Das Liebeskonzil
Traduit de l'allemand par Jean Bréjoux
Postface d'André Breton
Editions Autrement, Paris, 1994
141 pages
ISBN: 2862604984


Le texte de cette satire a été publié en 1856, a été vimmédiatement censuré, et a valu à son auteur, le poète allemand Oscar Panizza, un an de prison pour blasphème.
La pièce n'a été jouée que plus d'un siècle après, à Paris en... 1968.

Le prétexte en est l'épidémie de syphilis née en 1495 dans l'Italie occupée par les troupes françaises. Cette maladie, jusqu'alors inconnue, fut considérée à l'époque comme une punition divine, au moment même où le pape Alexandre, sa famille et sa cour se livraient à leurs célèbres débauches.

Le poète, deux fois maudit puisqu'il fut poursuivi, harcelé toute sa vie par la police allemande et qu'il finit par sombrer dans la folie, met ici en scène un concile réunissant le dieu des chrétiens, Jésus, Marie et le diable. L'objet de la réunion est d'inventer, pour punir les hommes de la frénésie sexuelle qui les agite alors à l'exemple de ce qui se passe à la cour papale, un mal qui doit les atteindre par où ils pèchent. Le diable, chargé de préparer le miasme magique, fabrique les germes de la syphillis.

L'argument pourrait paraître très “catholique”.

Mais les personnages du concile d'en haut sont grotesques et peu sympatiques. Dieu est un vieillard cacochyme, goutteux, perclus, et velléitaire. Jésus est faible et maladif. Marie est légère et plutôt simplette...

En bas, le pape Alexandre et ses courtisans, que les membres du concile d'en haut regardent et écoutent fêter la Pâque de 1495, s'adonnent gaiement, insouciants, à des occupations bien plus profanes qu'ecclésiastiques, et profèrent en riant des discours sacrilèges.

Pour le peuple, le lien de cause à effet entre la licence de Rome d'une part, l'apparition de la “vérole” et l'occupation française d'autre part est une évidence.

Les dialogues sont crus. L'outrance est voulue. L'obscénité est recherchée. La vulgarité est étudiée.

Le poète s'en excuse devant ses juges :
“ Lorsqu'un auteur entend écrire une satire, une satire divine, il en est réduit, comme n'importe quel autre artiste, aux modèles humains. Il lui faut transposer chez les Dieux les travers grotesques qu'il observe chez les hommes.”
Lors de son procès, il se réfère à Aristophane, à Wright, à Rabelais, à Voltaire, à Parny...
On est bien dans ce registre de combat de la raison contre toutes les crédulités.
Un livre sain pour apprécier tous les livres saints à leur juste mesure.

Patryck Froissart, Plateau Caillou, le 24 avril 2009