Père de August Strindberg
( Fadren)

Catégorie(s) : Théâtre et Poésie => Théâtre , Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Dirlandaise, le 16 avril 2009 (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 68 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (3 718ème position).
Visites : 4 506 

Cherchez la femme !

Cette magnifique pièce de Strindberg, écrite au début de 1887, devait faire partie d’une trilogie dont « Camarades » aurait constitué le deuxième volet mais hélas, le troisième n’a jamais été écrit. Strindberg laisse ici transparaître toute sa haine de la femme et du pouvoir qu’elle exerce sur l’homme. C’est une tragédie en trois actes.

Le capitaine d’artillerie Adolf est marié avec Laura depuis vingt ans. Le couple a une fille de dix-sept ans Bertha. Il est temps de décider du sort de cette fille chérie, unique enfant du couple. Mais, le mari et la femme ne s’entendent pas et chacun désire pour sa fille une vie différente. Il en va de même pour le reste de la famille dont les avis divergent sur la question. Adolf et Laura commencent à se quereller et Adolf en vient à soupçonner Laura d’avoir commis l’adultère et de ne pas être le père naturel de sa fille. Cette seule idée commence à le hanter, à le ronger de l’intérieur, l’amenant à poser des gestes insensés envers sa femme qui se défend en commençant des démarches dans le but de faire interner son époux. Bref, la vie conjugale se dégrade jusqu’à un point de non retour pour sombrer dans un enfer du plus pur style strindbergien !

Comme je l’ai déjà mentionné, Strindberg laisse ici éclater sa haine des femmes qu’il juge manipulatrices, rusées, perfides, malhonnêtes et égoïstes. De plus, l’écrivain ressort sa vieille obsession de la paternité et il déplore le fait qu’un homme ne peut jamais savoir si un enfant est vraiment de lui alors que la femme possède ce secret et en joue comme il lui plaît afin de parvenir à ses fins. Le vie conjugale y est également passablement écorchée et le grand écrivain regrette le fait que le mariage ne soit souvent qu’un arrangement entre deux personnes de sexe différent qui en finissent par vivre en camarades et associés sans éprouver de véritable amour.

C’est une pièce d’une étonnante sobriété mais terrible tout à la fois par les thèmes qui y sont abordés. C’est un cri de détresse que Strindberg nous lance ici, lui qui a souffert toute sa vie d’un manque d’amour et de confiance envers le sexe féminin. J’ai lu que Strindberg souffrait également de la peur d’une homosexualité latente et certaines déclarations contenues dans cette pièce pourraient aller en ce sens. Du grand théâtre psychanalytique !

« Oui, il en fut ainsi, et c’est pourquoi je t’aimais comme mon enfant. Mais tu le sais, tu t’en es aperçu : chaque fois que tes sentiments changeaient de nature et que tu te conduisais comme mon amant, j’avais honte ; ton étreinte était pour moi un plaisir que suivaient des tourments de ma conscience, comme d’un sang incestueux. La mère était l’amante. Horreur ! »

« Nous tous les humains, nous vivons notre vie, inconscients comme des enfants emplis d’imaginations, d’idéaux et d’illusions, puis un jour, nous nous réveillons ; ça pouvait encore continuer, mais nous nous sommes réveillés avec les pieds à la tête du lit ; et celui qui nous a réveillés était lui-même un somnambule ! »

« Laura, quant tu étais jeune, et que nous nous promenions dans la forêt de bouleaux parmi les primevères et les merles ; magnifique, magnifique ! Souviens-toi comme la vie était belle, et qu’est-elle devenue ? Tu n’as pas voulu qu’elle devienne cela, je ne l’ai pas voulu, et pourtant elle est devenue cela. Qui donc règne sur la vie. »

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Père ?

10 étoiles

Critique de Bororo (, Inscrite le 22 septembre 2009, 49 ans) - 14 avril 2012

Père est une tragédie en trois actes qui cristallise la lutte homme-femme autour de la mésentente d’un couple. Laura et son mari le Capitaine sont en désaccord à propos de l’éducation que doit recevoir leur fille Bertha et la pièce nous place d’emblée au cœur de ce conflit, de plus en plus radical.
Bien qu’il vive entouré de femmes – sa fille, son épouse, sa belle-mère, la gouvernante et la vieille Margret – le Capitaine entend bien faire prévaloir ses prérogatives d’homme : « Aux termes de la loi, les enfants doivent être élevés dans les convictions de leur père » ; la mère n’a aucun droit sur l’enfant car « quand une marchandise a été vendue on ne peut le reprendre, et garder l’argent par-dessus le marché. »
Laura trouve alors une arme redoutable contre son époux : puisqu’on ne peut pas savoir qui est le père d’un enfant, « comment le père peut-il avoir tant de droits sur l’enfant ? » Elle finit par le faire douter de sa paternité, ce qui va tourmenter le Capitaine jusqu’à la folie : « Pour moi qui ne crois pas à l’au-delà, mon enfant était un gage d’immortalité ; elle était pour moi la seule chose éternelle. Qu’on me la prenne, et ma vie s’arrête ».
Laura reste inflexible et quand dans un accès de rage le Capitaine lui jette une lampe brûlante à la figure, elle affine sa stratégie : le faire interner pour être débarrassée de lui et maîtresse de son propre sort comme de celui de sa fille.
Qui va l’emporter dans cette lutte conjugale sans merci ? Que va devenir le Capitaine ?
Laura est poussée par une volonté qu’elle dira inconsciente mais qui la rend actrice de la démence grandissante de son mari. On glisse du réalisme à un enjeu plus général, une lutte pour le pouvoir, celui d’une lutte des sexes qui est aussi une lutte sociale.

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