Le jour où j'ai tué mon père
de Mario Sabino

critiqué par Sahkti, le 15 avril 2009
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Quand passer à l'acte ?
Tout commence avec le meurtre d'un père par son fils, le narrateur. Quelques mots, peu de détails, le tueur appelle la police pour se livrer. Débute ensuite réellement le récit avec l'entretien que le fils mène avec un psychiatre auquel il confie sa vie. Une vie qu'il va raconter par fragments, avec pas mal de retours en arrière, de souvenirs qui ressemblent à autant de raisons d'éliminer son géniteur. Mais le narrateur est un malin, presqu'un pervers, car il invente des histoires mensongères qui viennent s'imbriquer dans d'autres, il se joue du médecin tout comme il balade le lecteur, lui riant presque au nez de s'être fait avoir de la sorte. Histoire de compliquer un peu plus tout cela se déroule en parallèle une mise en abîme du roman qu'était en train d'écrire le narrateur avant le drame. Les personnages ne se croisent pas directement mais les échos sont nombreux, les ressemblances frappantes et c'est parfois à travers le fictionnel Antonîmo qu'éclate la vérité sur les douleurs cachées et les colères rentrées du narrateur qui se livre pas à pas, avant de faire machine arrière par une pirouette. La haine que le fils éprouve pour le père grandit au fil des pages, au point de devenir effrayante, comprise et en même temps, tenue à distance par un lecteur en proie à des émotions proches de celles du raconteur.

Mario Sabino, grâce une langue simple et souple, réussit à nous faire entrer dans la peau de son principal protagoniste, à éprouver ses colères et ses errances, à détester un homme qu'on ne connaît qu'à travers une seule vision, unilatérale et subjective. Dangereux jeu des sentiments dans lequel excelle Sabino ! Nous sommes ici confrontés à des questions de morale et de jugement, bien malgré nous, tant l'implication se fait plus forte au fur et à mesure que la confession évolue. Qu'aurions-nous fait à la place du narrateur ? La réponse varie au fil des émotions, tantôt tranchée, tantôt plus nuancée. C'est que cette relation père-fils est tendue, inassouvie, étouffante et meurtrie. Cruelle aussi, à l'image du roman dans le livre "Futur", qui interroge beaucoup sur la condition humaine, la religion et notre place dans ce monde de perdition sociale.
Le narrateur évoque sa mère, sa disparition, cet amour manquant; il transfère cela sur son épouse qui renforce ce sentiment en lui disant "qu'il dort avec maman". Autant d'obsessions et de tourments qui vont finir par faire pencher la balance d'un côté. Reste à savoir si c'est le bon ou le mauvais...

Un excellent roman, tout en finesse et en cruauté, efficacement traduit par Béatrice de Chavagnac.