Ohio
de Ruth Schweikert

critiqué par Sahkti, le 1 mars 2009
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Entre amour et racines
Andreas et Merete forment un couple. Deux enfants, une existence remplie de souvenirs. Puis la vie les a séparés, le temps a passé. Une nuit d'octobre 2001, dans un hôtel de Durban, Merete annonce à Andreas la mort de son père. Le temps passe encore. Andreas s'est suicidé et Merete décide de raconter leur histoire.
Alternance de périodes et d'évocations du passé, "Ohio" est un long récit intime qui nous narre par le détail l'existence d'un amour et sa déconstruction.
C'est également l'histoire d'un voyage, d'un exil, de racines à recomposer. Andreas, aux origines bigarrées italiennes et allemandes, s'est installé en Suisse; sa famille rêvait de s'établir en Ohio, ce sera l'Engadine et avec elle, le prix de la désillusion et de l'attachement au territoire perdu. Un attachement si fort qu'il pèsera longtemps sur les épaules d'Andreas.
A l'inverse, Merete n'a pas d'histoire, pas de passé à assembler et son père n'est pas celui qu'elle croit.
Andreas et Merete forment un couple d'extrêmes, entre absence et excès. Cela va jouer sur leur histoire d'amour du début à la fin.

Avec beaucoup de justesse et de sensibilité, Ruth Schweikert partage avec son lecteur les errances d'un couple qui a échoué et constate, impuissant, les raisons de son échec. Des raisons qu'elle détaille et dans lesquelles on se retrouve tous un peu, par fragment ou allusion, lorsqu'il s'agit de nos relations à autrui ou à notre mémoire. Entre oralité et journal intime, l'auteur mène son récit de main de maître pour nous parler des silences, des erreurs, des éléments extérieurs à nous-mêmes qui finissent par prendre le dessus. C'est un récit dramatique, empreint de souffrance et en même temps, il se dégage de tout cela une grande forme de sérénité, d'apaisement. En fouillant présent et passé, Merete construit en quelque sorte le futur.
Si l'ambiance est par moments lourde de mémoire à transporter, une certaine légèreté virevolte de ci de là pour évoquer les rires et les bons moments. Il y a également un formidable travail de mémoire sur les racines familiales et territoriales, sur l'exil et les départs que l'on pense heureux. Une réflexion toute en subtilité sur ces déracinés qui le resteront à jamais, malgré une intégration en apparence excellente.
Au final, un roman riche, dense et extrêmement humain.