Le Procès du Maréchal Ney
de René Floriot

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 22 février 2009
(Ottignies - 88 ans)


La note:  étoiles
Un héros au tribunal de l'Histoire.
Depuis l'aube, Paris se presse sur les marches du Palais de Justice.
C'est la foule des grands jours. On juge un maréchal de France ! Et quel maréchal ! Celui que les troupiers de la Grande armée, qui s'y connaissent en courage, ont surnommé le Brave des Braves : le duc d'Elchingen, le prince de la Moskowa, le maréchal Ney.

Ce livre de Maître René Floriot ce n'est pas un roman, ce n'est pas un récit, c'est une tragédie ; une tragédie digne du plus grand Shakespeare.

Sur les marches du Palais, voici les vieux aristocrates, ceux qui en 25 ans d'exil «n'ont rien appris ni rien oublié.» Ils toisent du haut de leur dédain ceux qu'ils appellent «les parvenus.»
Ces parvenus portent des noms du peuple : Jourdan, Masséna, Augereau, Mortier... mais leurs titres claquent comme des drapeaux sur les champs d'honneur de l'Europe. Ce sont des héros !
Le petit peuple de Paris, qui se tient à distance, commente leurs faits d'armes à la manière des chœurs de la tragédie antique et les nomme par leur titre de gloire : ici c'est le duc de Rivoli, là le duc de Castiglione, et là le duc de Trévise et là le prince des Victoires...
Le comte de Montesquiou consent à adresser la parole au maréchal Lefebvre :
- Quel dommage que vous ne puissiez citer, comme nous, quelques ancêtres...
La réponse fuse :
- Dans ma famille, Monsieur, c'est moi qui suis l'ancêtre...

Et voilà qu'enfin, il arrive ! Il est cerné de gardes. La foule frémit. Elle le dévisage et s'incline devant lui : le maréchal est un superbe soldat dans son uniforme de campagne, où s'étale le Grand Aigle de la Légion d'honneur... On le conduit au banc habituellement réservé aux assassins !

Il est jugé parce qu'il est tombé dans les bras de son Empereur, sur la place d'Auxerre, le 17 mars 1815. Il aurait dû le ramener en cage ou le tuer...!
Mais en réalité, ce procès est celui du monde arrogant et revanchard des aristocrates contre celui de la gloire et du malheur de l'épopée napoléonienne.
C'est un procès ordonné par le Roi de France Louis XVIII. Il a le goût de la vengeance et du règlement de comptes.

Maître Floriot nous décrit, avec la précision de l'avocat, la situation désespérée du maréchal Ney. Quand, pour toute défense, il dira au juge : «J'ai servi la France», il dira la vérité. La France n'a jamais eu un serviteur plus loyal. Mais où était la Loyauté ? Où était la Fidélité, où était la Légitimité en ces temps troublés de la Restauration ?
Les opportunistes avaient attendu l'issue de la campagne des Cent-Jours pour choisir leur camp, le camp du vainqueur...
Leur maître en opportunisme, Talleyrand, leur avait dit : ne vous trompez pas de fortune. Le maréchal Ney, lui, en ralliant l'Empereur, n'a pas songé à sa fortune, il servait la France.
Mais c'est, malheureusement, conclut maître Floriot, un argument que n'entendent pas les juges politiques.

Ce livre raconte donc, un épisode combien douloureux de la vie d'un héros de l'Histoire de France. L'auteur raconte dans le détail toutes les circonstances qui ont amené le drame. Il remet avec précision cet épisode dans son contexte en montrant bien le rôle des principaux acteurs.

Je pense qu'il devrait intéresser le plus grand nombre parce que, au-delà du procès, il raconte un drame humain. C'est l'histoire d'une vengeance : les aristocrates, le Roi, la Cour, se sont réunis ce jour là dans la haine, pour condamner un homme intègre et droit, qui avait le tort de se retrouver dans le camp des vaincus.
Au-delà du contexte, c'est une histoire de toujours.