Le ciel sur la tête de Nan Aurousseau

Le ciel sur la tête de Nan Aurousseau

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Dudule, le 8 février 2009 (Orléans, Inscrite le 11 mars 2005, - ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 10 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (1 827ème position).
Visites : 4 582 

L’enfer carcéral

Nan Aurousseau nous plonge dans l’univers carcéral des mineurs.
Nous suivons plusieurs jeunes, Benji étudiant en lettres modernes, emprisonné pour trois grammes de cocaïne qu’il a revendu à la fac, il était condamné à trois mois avec sursis, la greffière s’était trompée et l’erreur répercutée : trois mois ferme, une erreur judiciaire .
Djet tombé pour trafic de stupéfiants, racket et proxénétisme, amoureux des armes, il a déjà un lourd passé de délinquance, et un avenir tout tracé pour les brigades anticriminelles, pour eux c’est déjà un chef, un caïd, un futur client fiché au grand banditisme.
Tox, sans nom civil, pas de passé, un inconnu, un illuminé mystique, il lit un livre recopié à la main, « le Protocole de la colère des sages » d’un auteur inconnu le Très Pieux.
Metal, tombé pour vol qualifié avec violence, tentative d’homicide volontaire, infraction à la législation sur les armes de guerre, il clame son innocence, et pourtant il est depuis dix-huit mois dans une cellule de haute sécurité.

Le livre débute sur une mutinerie chez les jeunes détenus de l’unité 221, les jeunes voulaient deux heures de promenade mais les évènements dégénèrent, les mutins sont matés, et les meneurs envoyés au quartier disciplinaire des adultes, en cellule d’isolement.

Ce roman est un témoignage, sur l’univers carcéral des jeunes en prison, de la vie en cellule, de la peur au ventre, de la violence, de l’administration, des gouvernements qui ne changent rien pour améliorer les conditions des détenus, des éducateurs impuissants face à la direction et au peu de moyens financiers et pourtant ils ont envie de sauver ces gosses.

Un livre violent, âpre, très actuel, qui dénonce, qui questionne sur la surpopulation, l’âge de l’emprisonnement, de l’hygiène, des sévices sexuels, du suicide, comme le dit son auteur la prison c’est une usine à délinquant, la prison c’est « punir d’une façon ou d’une autre, c’est devenu une solution miracle un lifting sur une tête de mort »

Un livre très humain

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Les éditions

  • Le ciel sur la tête [Texte imprimé], roman Nan Aurousseau
    de Aurousseau, Nan
    Stock
    ISBN : 9782234060654 ; 16,25 € ; 07/01/2009 ; 203 p. ; Broché
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Les livres liés

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des prisons et des hommes

10 étoiles

Critique de Cyclo (Bordeaux, Inscrit le 18 avril 2008, 78 ans) - 15 décembre 2013

Le livre commence dans une prison pour mineurs par une émeute de tout un étage, les jeunes voulaient obtenir deux heures de promenade : ils ont saccagé et incendié toutes les cellules : "L'instinct de révolte était puissant. Ils étaient jeunes et rebelles, en guerre contre un monde inerte qu'ils rejetaient avec violence". Au bout de quelque temps, la majorité d'entre eux se rend, mais une trentaine d'irréductibles, qui ont réussi à casser leur espalier de gymnastique et se servent des barreaux comme armes, sont très menaçants et finissent par monter sur le toit, non sans avoir au préalable blessé une bonne dizaine de gardiens. Ce sont les forces de l'ordre (les « robocops ») qui réussissent à les en dégager à grands coups de grenades lacrymogènes. L'un des mutins, le plus féroce, un délinquant de haut vol malgré son jeune âge (stupéfiants, racket, proxénétisme, trafic d'armes), vrai caïd dans cette pétaudière, Djet, réussit un temps à leur échapper pendant une heure en franchissant des grilles pourtant électrifiées ! Mais enfin, tous sont pris et mis au mitard dans les cellules d'isolement du quartier disciplinaire pour adultes, car il n'y a plus de place côté mineurs. Tous y sont conduits un par un dans leur cellule en passant devant une haie de gardiens revanchards qui les bourrent de coups. Ces cellules sont du béton : lit en béton, un trou pour chier, aucune ouverture vers l'extérieur, et isolement total, interdiction de se parler de cellule à cellule sous peine d'être privé de l'unique repas quotidien, pain et rata.

L'auteur nous fait suivre l'itinéraire de quatre de ces jeunes. Le plus fragile, Benji, étudiant en lettres bobo, a vendu trois grammes de cocaïne à la fac. Condamné avec sursis, il a écopé en fait de trois mois fermes, parce que la greffière s'est trompée et qu'il a été impossible de corriger l'erreur administrative. Il s'est trouvé pris dans l'insurrection presque par erreur, mais enfin il y était. Il va rapidement sombrer dans la dépression profonde dans le noir de sa cellule. Dans la cellule voisine, Métal qui tente de communiquer avec lui, l'entend pleurer : "il avait peur, c'était évident. Métal ne pouvait rien pour lui. Les faibles le laissaient complètement indifférent". Métal, lui, est tombé pour vol avec violence, tentative d’homicide volontaire, infraction à la législation sur les armes de guerre, mais il reste ferme, pourtant en cellule de haute sécurité depuis dix-huit mois. L'éducateur Niaux, qui pense pouvoir réinsérer 6 % de ces jeunes (!), compte tenu des faibles moyens mis à sa disposition et du mauvais vouloir de l'institution pénitentiaire, le croit récupérable. Mais il passera au moins cinq ans en prison, et en ressortira encore plus dur qu'il n'y est entré, comme les autres. Niaux est un pur : il dit à un de ses collègues, qui s'est laissé berner par les gardiens lors de l'émeute, en acceptant d'aller parlementer avec les émeutiers, ce qui l'a rendu définitivement grillé auprès de ces jeunes : "Ne les juge jamais Guy, des gens sont payés pour ça" (ce que nous faisons nous aussi, quand on y va pour nos lectures et nos rencontres d'écrivains, ce n'est pas notre rôle de juger !). Tox, lui, est un illuminé, il a appris par cœur un livre manuscrit dont il est probablement l'auteur, Le protocole de la colère des sages, dans lequel il prône la doctrine que les hommes sont mauvais et qu'il faut donc les éliminer, et qui exerce un ascendant moral sur ses compagnons, alors que Djet exerce un ascendant physique. Métal est à part : respecté par tous, mais individuel avant tout, et peut-être récupérable, comme le croit Niaux.

Il y a aussi le vieux gardien, Blind, à un mois de la retraite, et qui reste humain dans ses rapports avec ces jeunes forcenés. Ce n'est pas lui, absent au moment des faits, qui les aurait tabassés au moment de leur entrée au quartier disciplinaire. Il compatit pour Benji qu'il estime ne pas être à sa place ici, mais il ne peut rien contre le règlement ni, hélas, contre "la force oppressante de l'opinion publique, qui était d'accord. Jamais on ne l'entendait récriminer sur les conditions de détention des jeunes délinquants". Et puis il y a Suk, le sous-directeur. Ce dernier veut la peau de Tox qui lui a craché à la figure lors d'un interrogatoire, et dont il a reçu le mollard dans sa bouche malencontreusement ouverte. Depuis, il le hait de façon inextinguible. Il veut faire signer à tous les mutins un papier qui indique Tox comme étant le meneur. Seul Benji, soumis à une pression terrible et apeuré, signe. Peu de temps après, rongé d'être un délateur, il se pend dans sa cellule. Alors Suk va soudoyer Djet, pourtant bien plus dangereux que Tox, pour se débarrasser du soi-disant meneur.

Le récit est impitoyable et reflète absolument l'univers carcéral tel que j'ai pu l'observer à maintes reprises : la "violence était partout dans les rapports, aussi bien entre détenus qu'avec le personnel de surveillance". Violence des jeunes bien sûr, mais aussi violence des conditions de détention et d'isolement, violence de l'administration pénitentiaire, sévices sexuels, hygiène déplorable (les mutins vont rester quarante-cinq jours en cellule d'isolement sans se laver une seule fois), impuissance des éducateurs trop peu nombreux. Réinsertion, mon œil ! Comme disait le prêtre Guy Gilbert, "des jeunes y entrent, des fauves en sortent" (je cite de mémoire). La prison pour mineurs est une usine à fabriquer de la délinquance, comme l'étaient autrefois les maisons de redressement. Pas de clichés donc ici, un récit réaliste, d'une actualité brûlante, au moment où la ministre Taubira souhaite, à juste titre, mais sans doute contre l'opinion publique, fermer les centres fermés pour mineurs, ces bagnes qui fabriquent de futurs grands criminels.

Un livre à méditer. Explication du titre : les jeunes prisonniers ne voient le ciel que pendant leur courte promenade quotidienne, à travers le grillage qui couvre la cour.

la vérité sur le monde carcéral ?!

9 étoiles

Critique de Ddh (Mouscron, Inscrit le 16 octobre 2005, 82 ans) - 27 juin 2009

Dans un univers carcéral, le ciel représente un espace de liberté. Sur la tête, liberté que l’on voudrait proche mais oh combien éloignée.

L’auteur nous fait rencontrer des personnages qui hantent les prisons. Il y a côté gardiens avec les bons et les moins bons et côté prisonniers avec les victimes, les durs et les autres, pas des enfants de chœur pour autant.
Parmi les prisonniers se dégagent quelques fortes personnalités comme Tox, un repris de justice qui fait du crime une justification à sa doctrine : les hommes sont mauvais, il faut les punir. Autre détenu encore plus sinistre : Djet, un inconditionnel de la cruauté, un caïd que l’on craint. Metal, lui, analyse les comportements des autres et rêve de liberté. Le cas le plus difficile : Benji qui se retrouve au milieu de tous ces grands criminels, suite à une erreur administrative.
Le monde des gardiens est aussi finement étudié. On imagine bien les Blind, Suk, Querry dans ces prisons avec leur influence bénéfique ou néfaste.
Au sortir du livre, le lecteur appréhendera le milieu carcéral avec un regard neuf, hors des clichés qui masquent la réalité quotidienne des prisons.
Nan Aurousseau tient le lecteur en haleine par une action rectiligne mais avec quelques rebondissements qui suscitent un regain d’intérêt.

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