La brève et merveilleuse vie d'Oscar Wao de Junot Díaz

La brève et merveilleuse vie d'Oscar Wao de Junot Díaz
( The brief wondrous life of Oscar Wao)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Bluewitch, le 1 février 2009 (Charleroi, Inscrite le 20 février 2001, 44 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 6 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (3 418ème position).
Visites : 5 504 

"Peu importe en quoi vous croyez, le fukú, lui, croit en vous."

Le fukú, c’est cette malédiction qui vous colle aux basques de génération en génération, ce mauvais sort transmis par un gène toujours dominant, cette légende dominicaine qui n’a pas épargné la brève et merveilleuse vie d’Oscar Wao.

Oscar est gros, a perdu tout le charme de son enfance dans une adolescence dégénérative, lit des livres de tacheron dans sa solitude d’intello extra-terrestre. Issu d’une famille dominicaine, Oscar a quelque chose en lui d’attaché aux racines, et, pourtant, il se crée à New York, sous une mère tyrannique et à côté de Lola, sœur fugueuse et rebelle.

Il tombe sans cesse amoureux pour un rien, qui devient toujours un trop, douloureux et fatal. Il vit dans sa mythologie, celle de Tolkien, celle de ses livres, celle de ses jeux de rôle. Il espère l’inaccessible. Cet inaccessible qui, pour la majorité des gens, est naturel. Et pour lui tant surnaturel… A quoi bon s’étonner, alors, qu’il soit fou de science-fiction ?

Son histoire et ce fukú qui lui colle à la vie, c’est Yunior, ami, ex-colloc et aussi ex de Lola, qui les raconte. Dans le "slang" des quartiers hispaniques (traduit aussi justement que possible par Laurence Viallet, gageure incroyable !), on tente de suivre, on s’accroche quand les mots sont donnés en espagnol, on s’imprègne d’un monde qui délivre à la fois sa dynamique, sa verve, son amertume et sa fragilité. Un départ légèrement ardu mais combien cet effort de quelques pages en vaut la peine !

Par étapes dans l’histoire familiale, Junot Díaz s’empare avec allégresse d’une tragédie, d’un drame, d’une comédie, d’un conte, de tout à la fois.

La structure du roman est époustouflante, la tension progressive, l’humour, la palpabilité des personnages fascinants. On ne peut qu’admirer ce "nouveau roman" (nouveau dans le style, nouveau dans l’horizon littéraire américain) et, une fois n’est pas coutume en ce qui me concerne, louer l’attribution de ce prix Pulitzer amplement mérité.

Díaz ne se contente pas de matérialiser des anti-héros attachants, il nous livre une partie de l’Histoire, remettant un peu de lumière sur la Diaspora dominicaine et la sombre époque de la dictature de Trujillo.

Un roman qui lance, sur ce début 2009, un éclair de fulgurance.

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Les éditions

  • La brève et merveilleuse vie d'Oscar Wao [Texte imprimé] Junot Díaz traduit de l'anglais (États-Unis) par Laurence Viallet
    de Díaz, Junot Viallet, Laurence (Traducteur)
    Plon / Feux croisés (Paris)
    ISBN : 9782259185554 ; 0,98 € ; 22/01/2009 ; 293 p. ; Broché
  • La brève et merveilleuse vie d'Oscar Wao [Texte imprimé] Junot Díaz traduit de l'américain par Laurence Viallet
    de Díaz, Junot Viallet, Laurence (Traducteur)
    10-18 / 10-18. Série Domaine étranger
    ISBN : 9782264049995 ; 8,10 € ; 19/08/2010 ; 349 p. ; Poche
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Un Pulitzer qui sort de l'ordinaire

7 étoiles

Critique de Sundernono (Nice, Inscrit le 21 février 2011, 40 ans) - 27 février 2017

Pour reprendre un peu la critique précédente, j’ai été très surpris par ce roman couronné du prix Pulitzer en 2008, notamment pour le langage employé.
Clairement il faut féliciter la traductrice qui n’a pas dû ménager ses efforts pour retranscrire le langage fleuri originel. J’ai eu cette drôle d’impression de me retrouver plongé dans mon adolescence au sein d’un quartier dit « sensible ». Le mélange d’argot, de gitan, de verlan… et retrouver cela dans un roman est très étrange mais honnêtement cela m’a beaucoup plu !
Le côté historique du roman qui nous plonge par épisodes au cœur de la dictature dominicaine des années 30-60 apporte néanmoins une touche plus sérieuse à cette brève et merveilleuse vie d'Oscar Wao qui ne manque pas d’humour.
D’ailleurs, à ce sujet, le personnage central m’a parfois fait penser à l’anti-héros d’une autre œuvre couronnée elle aussi du Pulitzer : La conjuration des imbéciles de J-K Toole, notamment pour la poisse, ce fùku qui colle à la peau de notre pauvre Oscar.
Un Pulitzer surprenant, agréable à lire et qui dénote de bon nombre de romans que j’ai pu lire jusqu’à présent.

Un roman étonnant

9 étoiles

Critique de Marikaro75 (, Inscrite le 29 novembre 2012, 35 ans) - 29 novembre 2012

L'argot, les nombreuses notes de bas de page (qui font parfois presque une page !!), les phrases et les expressions en espagnol rendent ce roman surprenant et haut en couleurs.

Junot Diaz nous raconte la vie d'Oscar et de sa famille dominicaine à l'époque de la dictature de Trujillo. Il donne la parole à tour de rôle aux membres de la famille ce qui permet des flashbacks efficaces et une meilleure compréhension pour le lecteur.

Un Pulitzer bien mérité pour l'histoire d'un anti-héros très attachant !

Eternel fuku

8 étoiles

Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 49 ans) - 9 juin 2009

Lola et Oscar vivent avec leur mère, Belicia, dans le New Jersey. Une vie marquée par le fuku, cette malédiction qui règne sur la Dominique, leur terre originelle. D'une grande beauté et d'un caractère impulsif, Belicia a accumulé quelques ennuis sur l'île, ce qui lui a valu un exil vers les Etats-Unis, le New Jersey. Lola semble destinée à suivre les traces de sa mère, en raison de son physique et de ses emportements réguliers. Oscar est une sorte de contrepoids à cette frénésie familiale. Enfant sans problème apparent, il ne tarde pas à présenter des troubles. Introverti, des kilos en trop, couvert de boutons et accro aux jeux vidéos, il incarne la lassitude d'une famille dominicaine noire qui cherche ses marques au fil des ans. Oscar est rejeté par tous, n'a pas d'amis, encore moins de petite amie, ce qui ne l'empêche pas de tomber amoureux à tout bout de champ et de cultiver la souffrance comme un art de vivre.

Junot Diaz a axé son récit sur la personnalité d'Oscar mais, afin de ne pas utiliser de A à Z un processus narratif identique, il donne tour à tour la parole à Belicia jeune, à Lola adolescente, aux parents vieillissants de Belicia, alternant de la sorte atmosphères et visions du monde. Un moyen habile et efficace de remonter le temps et de mieux comprendre ce qui marque l'histoire de cette famille depuis si longtemps, de faire face au fuku mais aussi aux fantômes dominicains, à Trujillo, à l'horreur et au poids d'un passé trop lourd à porter. La dictature et le sang sont omniprésents dans chaque chapitre du roman, rien n'est dissocié, tout s'imbrique pour donner naissance à des destins déchirés.

La langue de Junot Diaz est riche, fleurant bon l'argot et le langage populaire, la tradition orale et l'espagnol. Cela donne un texte vif, teinté d'un constant esprit de répartie et d'une manière de faire chanter les mots qui n'en fait que ressortir plus encore les accents dramatiques. Vaste fresque familiale et nationale, la vie d'Oscar Wao mêle joie et tristesse pour esquisser des portraits profondément humains, dans lesquels le lecteur a tôt fait de se plonger. A découvrir !

Une saga familiale moderne

8 étoiles

Critique de CptNemo (Paris, Inscrit le 18 juin 2001, 50 ans) - 27 mars 2009

Pas facile de résumer ce roman à la langue inventive. Disons que c'est l'histoire du fuku (malédiction dominicaine) qui s'abat sur une famille à la fin des années 40 en république dominicaine et qui la poursuit jusqu'à aujourd'hui dans le New Jersey.

L'auteur commence par nous narrer la jeunesse et l'adolescence d'un geek à l'état pur, Oscar Wao : fan de SF, fan de JDR, fan d'animation japonaise, obèse...

Un dominicain que tout semble destiner à mourir puceau, ce qui est totalement contraire aux lois naturelles, Un dominicain ça doit "bouillave de la caille" voyez vous, donc un dominicain puceau ça ne peut être que la faute à un fuku très puissant.

Oscar pendant tout le roman sera à la recherche de son anneau unique permettant de lever ce fuku : une gazière a pecho. Mais y a-t-il vraiment un fuku sur la famille ? Et si oui d'où vient il ? Pour le savoir, nous découvrirons la vie de cette famille sur trois génération passant de la méconnue dictature de Sauron Trujillo au New York contemporain. Et cette famille compte un certain nombre de personnalités tout aussi fortes que celle d'Oscar, à commencer par la mère de celui-ci.

L'auteur nous dévoile par touche la vie des ses personnages et l'on reconstruit peu à peu le puzzle familial.

J'ai passé un très bon moment en lisant cette saga familiale très bien construite et très moderne dans son utilisation de la langue

L'écriture est vraiment surprenante et très agréable, mélangeant allègrement argot de cité, phrase en espagnol et un grand nombre de références "geek" . Ce dernier point est d'ailleurs assez amusant pour un ouvrage de "littérature générale" car il est fort possible qu'un lecteur "non geek" passe à côté d'une partie de la saveur du texte.

Si le Dr Who, les Nazgul, Alan Moore et Akira n'évoquent rien pour vous vous passerez peut-être un peu à côté du monde merveilleux d'Oscar (mais le roman est suffisamment intelligent et plaisant pour être lu même si vous n'y connaissez rien en "geekitude")

Je ne connais pas la version originale mais j'admire quand même le boulot de la traductrice car si je ne sais pas d'où l'on part, le résultat est tout à fait convaincant.

Avec "La brève et merveilleuse vie d'Oscar Wao", Junot Diaz dépoussière avec talent le genre de la saga familiale. Un auteur à suivre.

Anti-heroic fantasy

9 étoiles

Critique de Stavroguine (Paris, Inscrit le 4 avril 2008, 40 ans) - 21 mars 2009

Oscar est un geek, pas votre new gen nerdy kid qui passe sa vie devant son ordi à jouer à WoW ou sur sa console, nan, Oscar, c'est le geek old school, celui qui lit Tolkien et Asimov et qui joue aux jeux de rôle pré-cartes Magic, un Dominicain de 307 pounds (je vous laisse le plaisir de faire la conversion) immigré au New Jersey entre sa mère, Beli, une dure à cuire, et sa soeur Lola, petite punkette rasée et fugueuse mais qui a hérité du "culo" de sa mère et d'un coeur d'or.

Needless to say, pour Oscar, c'est un peu la loose : comment pourrait-il en être autrement quand personne ne vous croit quand vous dîtes que vous êtes dominicain, que vous tombez amoureux de n'importe quelle fille qui remue (involontairement) son "culo" sous votre nez mais que vous ne pouvez que lui parler d'Asimov en utilisant des mots qu'elle ne comprend de toute façon pas ? Oscar part donc en quête, il va chercher son propre Anneau, celui pour lequel il aura attendu toute cette brève et merveilleuse vie. Et ouais, dans ce livre, il s'agit de choper ! Mais qui de plus improbable qu'un Oscar pour mener cette quête ? Ce serait Yunior, le narrateur, alors oui, sans problème, il s'en vante d'ailleurs suffisamment ! Mais non, cette quête, c'est à Oscar qu'il revient de la mener, sorte de Frodo Baggins qui porte le poids de sa virginité à travers les plaines du Mordor dominicain.

Car comme toute quête, celle-ci est semée d'embûches, et le Fuku n'est pas la moindre d'entre elles. Le Fuku, c'est cette malédiction qui a débarqué en DR (lisez Dominican Republic) avec l'Amiral, les premiers conquistadors européens. Un temps, un long temps, pendant 30 années du milieu du 20ème siècle, le Fuku était cul et chemise avec Trujillo. Si le nom n'est pas familier, vous inquiétez pas, d'excellentes notes de bas de pages parsèment le roman pour éclairer la lanterne de those of you who missed your mandatory two seconds of Dominican history. Trujillo, c'est Sauron, il règne sur ses terres désolées et son Oeil - sa police secrète - veille sans relâche traquant ses opposants et baisant systématiquement toutes les chicas les plus sexy de l'île. Que Trujillo soit le maître du Fuku ou son serviteur, on le sait pas vraiment, mais ce qui est sûr, c'est que quiconque s'en prend à lui verra sa famille poursuivie par la malédiction. Vous êtes pas obligés d'y croire, c'est peut-être que des racontars dominicains, des contes de grand-mères, mais pourtant quand Yunior nous plonge dans l'histoire de la DR et nous présente ainsi les différents membres de la famille d'Oscar, toujours avec une tendresse incroyable, nous permettant de mieux les connaître et les comprendre - notamment Beli, la mère - on verra bien comment Abelard a peut-être tout déclenché en protégeant sa fille contre le chef de la première culocratie du monde.

Depuis, le Fuku n'a de cesse de s'acharner sur la famille et même Trujillo mort, Oscar doit encore lutter contre ces forces du mal pour mener à bien sa quête - anti-héro tragi-comique d'une de ces quêtes épiques qu'il écrit tous les jours sans relâche ni succès, se rêvant le nouveau JRR. Pour l'aider, Oscar a sa propre fellowship, Beli, Lola et Yunior, donc, mais aussi La Inca, espèce de abuela-Gandalf qui lance un puissant Zafa protecteur avec sa Voix. Voilà donc dans quoi Oscar se lance et Yunior nous entraîne, une anti-quête des temps modernes où tout est extraordinaire, où les personnages sont observés de près et avec une grande justesse (le style argotique est parfait - du moins en VO : jamais il ne sonne faux, jamais il n'en rajoute, c'est juste un mec de 20 piges qui parle du frère de son ex). Car à la base, c'est tout ce qu'il est, Yunior, le mec de Lola. Et pourtant, il parle d'Oscar avec une infinie tendresse et s'y attache, nous y attache comme à tous les personnages de ce livre qu'il nous dépeint par petites touches, de manière génialement décousue dans un roman parfaitement construit. Avec lui, on se plonge dans cette vie de tous les jours devenue aventure d'heroic fantasy. Oscar est devenu son propre superhero, sans le savoir, il est le nôtre, et on suivra sa brève et merveilleuse vie jusqu'au bout !

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