Esthétique et filatures
de Lisa Mandel (Scénario), Tanxxx (Dessin)

critiqué par Shelton, le 18 janvier 2009
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Du solide !
Le label KSTR est une façon pour les éditions Casterman, souvent très propres sur elles, de se donner une zone, un espace de respiration, plus Rock’n roll, plus sexy… Un label adulte et contemporain, une pépinière de jeunes talents, de nouvelles narrations graphiques… Bref, c’est du Casterman sans en être. Le démarrage a été un peu lent, mais, depuis quelques mois, on commence à y trouver d’excellentes productions comme cet album Le goût du chlore de Bastien Vivès !
Quand j’ai attrapé « Esthétique & filatures », j’ai cru retrouver un Comics américain de ma jeunesse. Pourtant, dès le début de la lecture, on comprend bien que ce n’est pas si simple. Non, nous sommes dans une histoire d’un autre genre, quelque chose de nouveau qu’il va falloir lire sans aucun a priori !
Tout commence dans une ferme isolée, un agriculteur, une femme, une belle jeune fille… Le petit café noir avant de partir à la chasse. On comprend très rapidement que la femme est d’origine étrangère, qu’elle ne maitrise pas encore parfaitement la langue française et que la jeune fille n’est que celle du père, une « feignasse » qui ne pense qu’à dormir !
Mais visiblement le papa ne sait pas que sa nouvelle femme et sa fille s’envoient en l’air de temps en temps quand il chasse ou s’occupe des bêtes…
Tatiana et Marie, puisqu’elles sont prénommées ainsi, vont se faire surprendre dans des positions ne laissant aucune ambigüité sur la tendresse qui peut les unir. Alors, l’ouvrage commence réellement et le lecteur ne pourra plus reprendre son souffle tant les évènements vont s’enchainer les uns aux autres…
Bien sûr tout commence par deux doubles pages – j’ai oublié de préciser que le format n’est pas l’album classique de bande dessinée, mais celui plus habituel dans les Comics venant d’Outre-Atlantique – toutes en violence et en évocation qui serviront de rupture. C’est le départ de la cavalcade, le départ sur la route…
C’est Marie, qui est le personnage principal de cette grande migration, de cette errance qui la fera passer dans tout ce qu’une société peut proposer de glauque, de triste, de désespérant à un jeune être déjà désabusé par la vie…
Vous me demanderez, probablement, pourquoi le mot de « filatures » dans le titre ? Effectivement, cela laisse donner à penser que nos deux femmes seraient suivies… Par le mari et père ? A moins que ce ne soit plus complexe…
Je ne veux pas tout vous dire, mais je peux quand même laisser filtrer une info : quand on a faim, il arrive que l’on réalise des missions particulières… Que l’on participe à des opérations border line…
La narration graphique est époustouflante, rapide et dynamique, émouvante et sensuelle, elle décrit et nous plonge au cœur des personnages. C’est d’ailleurs excessivement impressionnant de voir à quel point chacun d’entre eux est présent même quand il n’apparaît que sur quelques vignettes…
C’est pour moi une excellente bande dessinée que je serais heureux de voir apparaître au palmarès du prochain festival international de la bande dessinée d’Angoulême 2009 !