Discours littéraires et scientifiques fin-de-siècle : La discussion sur les homosexualités dans la revue Archives d'anthropologie criminelle du Dr Lacassag
de Patrick Cardon

critiqué par Spiderman, le 18 janvier 2009
( - 61 ans)


La note:  étoiles
Littérature, médecine et criminologie pour un pionnier de l'homoliberté
Imaginons qu'un penseur contemporain mette au même rang la « matière première » favorite des habitués de « Critiques Libres », les revues médicales et les rapports de police pour élaborer une pensée cohérente sur un fait de société. C'est ce que fit Marc André Raffalovich (1864-1934) avec Emile Zola, Oscar Wilde et d'autres pour construire des modèles de sexualités dans la « Revue d'anthropologie criminelle » du Docteur Lacassagne.
Dans un ouvrage au style à la fois universitaire et militant, Patrick Cardon dresse le tableau passionnant d'une réflexion « fin de siècle » où le vocabulaire manque encore pour qualifier l' « innommable », l'attirance pour des personnes de son propre sexe. Cette étude minutieuse, fruit de plus de vingt ans de travail, reflète les débats et le vécu d'une Europe où entre Londres, Paris et Berlin, tandis que des espaces de libertés s'ouvrent aux « invertis », philosophes, médecins et criminologues s'affrontent par revues interposées pour définir l'unisexualité qui deviendra bientôt homosexualité. Alors que le Dr Freud et sa « psychoanalyse » n'ont pas encore envahi le champ de la réflexion sur les comportements sexuels, Magnus Hirschfeld, Marc-André Raffalovich et d'autres intellectuels dont des écrivains ouvrent un débat aux résonances assez étonnament contemporaines pour ceux qui ont été entendu parler du pacs, du mariage gay ou d'homoparentalité.
On va ainsi croiser Emile Zola et même … Dorian Gray, dont l'inspirateur, John Gray fut le compagnon de Raffalovitch : les amateurs de "romanesque" apprendront ainsi que quand John Gray fut nommé prêtre à Édimbourg, Raffalovich qui finit par entrer dans l'ordre des Dominicains participa non seulement aux frais de construction de la nouvelle église dont le bien-aimé Gray devait être le curé, mais il habitait à côté de celle-ci pour rester dans son voisinage. Ils restèrent ensemble jusqu'à leur mort, qui survint pour tous deux en 1934, et ils furent enterrés l'un à côté de l'autre.
Un étonnant voyage intellectuel où la littérature revêt une place inhabituelle.