Black man's burden: Africa and the curse of the nation-state
de Basil Davidson

critiqué par Oburoni, le 17 janvier 2009
(Waltham Cross - 41 ans)


La note:  étoiles
Héritage colonial
Un livre éclairant qui explique pourquoi la plupart des pays africains, au lendemain de leur indépendance, n'ont que pu sombrer dans la violence, les dictatures, les guerres civiles et ethniques.

La conquête de l'Afrique par les puissances coloniales européennes entraina un certains partage qui, pour des raisons pratiques, divisa des peuples entiers. Ainsi les individus d'un même peuple, d'une même "nation", se retrouvèrent écartelés entre différents empires, à obéir à différents oppresseurs.
Le fait est que, fermement entretenues durant l'ère coloniale, ces divisions furent malheureusement maintenues au lendemain de l'indépendance des dits pays.
Regardez une carte de l'Afrique : les frontières "tracées à la règle", héritage désastreux du colonialisme, donnèrent naissance à des Etats sur papier; mais certainement pas à des Etats-nations dans les faits.
Les conséquences ne pouvaient qu'être catastrophiques...

Dénonçant les politiques coloniales et néocoloniales, qui n'ont fait qu'attirer le continent au fond du gouffre, Basil Davidson porte aussi le blâme sur les africains; incapables de se libérer pleinement de cet héritage.

Car là est le plus dramatique : des générations d'idéologie raciste ont convaincu que les africains n'avaient pas de culture, pas d'histoire, pas de système politique propre et assez puissant pour donner naissance à des Etas-nations. Préjugé grotesque ( l'étude du peuple Ashanti est un exemple parmi tant d'autres... ) mais qui a pourtant berné même les élites noires, leaders des combats indépendantistes !

Eduqués dans des pays occidentaux, ces derniers sont tombés dans le piège idiot : exacerber les nationalismes plus ou moins créés par les blancs pour mettre fin au système colonial.
Un exemple : ce n'est qu'en en appelant à l'unité entre Ga, Ashantis et Ewe que Kwame Nkrumah a pu rendre l'indépendance de la Gold Coast possible ( l'union contre un oppresseur en commun, les britanniques ). Mais un problème typique survient alors une fois l'indépendance acquise : Ga, Ashantis et Ewe étant trois peuples complètement différents -ils ne parlent même pas la même langue !- comment entretenir le nationalisme nécessaire à la survie de l'Etat nouveau-né, le Ghana ?
Alors, si le Ghana s'en tire plus ou moins bien, d'autres pays sombreront dans les violences interminables... Les guerres ethniques commencent à déchirer le continent.

Les nationalismes s'émiettent en tribalisme. Les institutions politiques, luttant contre le paradoxe de fonctionner à l'européenne mais dans une culture africaine, donnent naissance à des systèmes clientélistes, où l'intérêt du peuple devient secondaire face aux intérêts de la tribu régnante...

Une analyse brillante.