Naître si mourir
de Hyam Yared Schoucair

critiqué par Sahkti, le 14 janvier 2009
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Le corps en déchirures
"Naître si mourir" ou l'atteinte de la limite extrême, celle qui pousse à la déchirure, à la souffrance, au dépassement de soi quand ce dernier est possible, ce qui n'est pas toujours le cas.

"Ne me dis pas je t’aime. Le verbe est une mort. Le mot - un mur sans lézard" (page 35)

A travers une poésie forte, brutale, Hyam Yared évoque la naissance, la mort, le corps dans toute sa trivialité, rejetant l'organisme lorsqu'il se fait uniquement reproducteur au profit d'une analyse du rapport aux orifices, à la chair. Une distanciation entre corps et âme qui teinte d'une froideur clinique l'évocation du vide. A travers ces cris de détresse, c'est la solitude qui se retrouve ici brandie pour exposer ce corps qui ne sert plus à rien ou qui, au contraire, est le repaire ultime d'une exploration sans bornes qui donne, peut-être, l'illusion d'exister.

"Tu sécrètes ton être. Ce vide n'est pas un trou. Y avait-il un coeur du côté du caniveau?" (page 33)

Les corps se cherchent sans forcément se trouver, ils s'affrontent dans une explosion des sens. Rien d'érotique ici, mais une avancée minutieuse dans les tréfonds du soi, des muscles, des os, du cerveau et donc de l'âme car, quoi que l'on fasse, tout reste indissociable.
Entre désespoir et rancoeur résonne un énorme cri d'amour-haine qui va ciseler le récit au fil des fragments poétiques, composants d'une structure charnelle que Hyam Yared a tôt fait de bousculer, libérant maux et pensées, ordonnant aux mots de dire l'indescriptible. Une poésie qui évoque le présent et l'absent, qui interpelle nos tourments enfouis pour mieux les torturer.

"Ton squelette fait l'amour à ton évanescence. ne te couche plus
sans ma nudité. Je suis à reculons cette
mouvance brûlée.
Mords-moi jusqu'aux vaisseaux de ma
réclusion" (page 51)


Hyam Yared vit à Beyrouth (Liban) où elle est née en 1975. Avec deux livres de poésie et un roman, elle pose et impose une voix singulière, tant par les thèmes (la condition de la femme, la force du désir...) que dans une écriture travaillée avec lucidité, fraîcheur et sincérité. Secrétaire du PEN (Liban), elle s'attache à défendre les écrivains en prison et la liberté d'expression de la presse


"Lorsque ta hanche tombe tu me traverses sillon
- paysage non atteint. Tu m'empruntes à ma soif.
Ça prend nos cuisses un silence. Tu m'épelles. Prononce-moi
à mon insu. C'est dans nos chambres qu'on fait semblant.
Prolonge-moi d'un geste absent"
(page 8)

Sur l'auteur:
http://www.kleudge.com/usj/infocomm/2002/hyam.asp