La folie Gachet
de Benoît Landais

critiqué par Sahkti, le 13 janvier 2009
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Combien de faux Van Gogh?
Benoît Landais s'intéresse de très près à Van Gogh depuis une vingtaine d'années. Cela ne lui a pas valu que des amis, en particulier dans les milieux muséaux, car il s'est fait fort de détailler quelques supercheries et de démontrer la non-authenticité de certains tableaux de Vincent Van Gogh. De quoi expliquer pourquoi des conservateurs sont devenus ses ennemis.

Dans cet essai publié aux Impressions Nouvelles, l'auteur explique, avec force détails, le travail de faussaire auquel se sont livrés les Gachet père et fils. Le Docteur Gachet, c'est ce médecin bien connu, proche de Van Gogh pendant les derniers moments de sa vie et représenté sur un tableau qui deviendra célèbre. L'homme était médecin mais aussi peintre à ses heures. Un peintre pas terrible qui enseignait toutefois à d'autres. Une de ses élèves, Blanche Derousse, a perfectionné son trait de pinceau en s'exerçant à imiter les grands peintres. Son oeuvre s'affirmant au fil des toiles, de l'imitation au travail (involontaire) de faussaire, il n'y avait qu'un pas vite franchi par le Docteur Gachet qui a présenté certaines toiles d'inconnus comme étant de Blanche Derousse et des peintures de Derousse comme étant des travaux de maître. Van Gogh, Cézanne... les faux se reproduisent à volonté et permettent à Gachet, d'abord le père, puis le fils, de posséder une des plus prestigieuses collections et de devenir des mécènes appréciés, dispersant les faux parmi quelques véritables toiles de Van Gogh ou Cézanne. Comment les conservateurs pourraient-ils faire la fine bouche devant des dons aussi généreux?

Benoît Landais s'attarde à démontrer l'engrenage, à expliquer pourquoi telle toile est un faux, se basant au départ sur un très grand portrait du Docteur Gachet retrouvé au dos d'un miroir et signé Vincent. Une oeuvre de Blanche Derousse avec le fils Gachet comme modèle.
Son analyse est fouillée, approfondie et permet au lecteur d'avoir une vue d'ensemble sur le fonctionnement d'une telle supercherie. De comprendre également pourquoi certains musées refusent d'entendre parler de tout cela, ne veulent pas imaginer que les tableaux phares de leurs collections puissent être des faux. La démonstration est claire et instructive. Un petit bémol cependant sur les dernières pages dans lesquelles la subjectivité et la colère de l'auteur prennent un peu le dessus; il laisse éclater sa rage face à cet aveuglement des spécialistes, l'émotion humaine dépasse la rigueur scientifique.
Pas mal d'enseignements à tirer de tout cela, cela relativise la valeur accordée aux tableaux simplement sur base du fait qu'ils aient ou non été authentifiés. Le travail de Benoît Landais, bien documenté, ouvre de nombreuses portes vers des recherches ultérieures et on sent que l'auteur ne laissera pas tomber de sitôt le rétablissement de la vérité; on ne peut que lui souhaiter de continuer encore et encore.