La maîtresse de jade
de Catherine Lim

critiqué par Maya, le 22 novembre 2001
(Eghezée - 49 ans)


La note:  étoiles
Destin d'une petite chinoise
Han n'a que trois ans lorsqu’elle est vendue par sa mère comme servante dans une riche famille. D'abord désespérée, elle retrouvera le goût de vivre grâce à l’amitié qui naîtra entre elle et le jeune maître de la maison. Les enfants deviendront inséparables et feront les quatre cents coups.
Mais avec l’âge, le garçon prend conscience de sa supériorité sociale et délaisse peu à peu Han. A son retour de l'étranger, où il a poursuivi ses études, il se fiance avec une jeune fille de sa condition. Han ne peut le supporter et fera tout pour le reconquérir.
Plus que l'histoire d’amour, ce livre vaut surtout pour ce qu’il nous apprend sur la condition des femmes dans la Chine du début du siècle. Une fillette pauvre peut être considérée comme privilégiée si elle est vendue comme servante. Avec un peu de chance, ses maîtres accepteront qu’elle se marie après x années de bons et loyaux services. Sa seule réelle planche de salut sera alors de mettre au monde un fils. Cette spirale infernale est entretenue par les femmes elles-mêmes, pauvres ou riches, qui rejettent avec horreur la naissance d'une fille. Edifiant.
Un impossible amour 5 étoiles

Catherine Lim, écrivain singapourien de la diaspora chinoise, nous emmène sur les sentiers tracés par Pa Kin, célèbre homme de lettre chinois décédé en 2005 à cent ans révolus, pour nous raconter l’histoire d’un amour impossible au cœur du XX° siècle dans cette société chinoise ancestrale et immuable qui n’a pas beaucoup évolué depuis quelques siècles. Un monde où les vivants et les morts, les dieux et les hommes vivent dans une étrange proximité.

La mère de Han qui n’a pas les moyens d’élever tous les enfants que son homme lui fait et de satisfaire sa passion du jeu, décide de vendre sa fille car c’est l’enfant le plus présentable, à une riche famille qui en fera une servante. La petite Han très volontaire et très dégourdie, après une période de rébellion, comprend rapidement le fonctionnement de cette micro société composée de la famille et ses servantes et devient la compagne de jeu préférée du jeune maître avec lequel elle développe une belle amitié qui se transforme, en ce qui la concerne au moins, l’adolescence venue, en un amour immense et total. Mais, le jeune maître part pour plusieurs années à l’étranger et elle doit attendre patiemment en supportant la mesquinerie de la gent ancillaire et le mépris des membres de la famille. Le retour du jeune maître est l’occasion de la reconquête de cet amour d’enfance qui s’oppose à l’amour officiel, décrété par la famille, avec la fille d’une autre famille encore plus riche. Alors commence les tribulations pathétiques de cette jeune servante pour séduire son jeune maître sous les yeux de sa fiancée. C’est le roman habituel de l’amour impossible où même la violence, la misère et la perfidie sont sirupeuses à souhait. Et cette histoire qui aurait pu être une belle histoire d’amour, comme la littérature en a immortalisé plus d’une, devient une un grand délire pathétique qui ne fera frémir que les âmes sensibles.

Catherine, je trouve dommage que ton livre tourne un peu trop au pathétique qui fait vendre auprès d’un plus large public, selon la formule consacrée, car ce récit comporte des éléments intéressants sur la culture des Chinois de la diaspora que nous ne rencontrons pas si souvent dans les librairies. En effet, ce livre pose clairement la prédominance de l’enfant mâle et les risques qui en découlent, à la naissance, pour les fillettes. Il souligne aussi avec beaucoup de justesse toutes les difficultés que rencontrent les femmes dans cette société patriarcale qui fonctionne autour de trois principes qui constitue comme « … un rempart indestructible fondé sur la naissance, le pouvoir et la richesse. ». Et ces problèmes sont nettement amplifiés lorsqu’il s’agit de femmes servantes puisqu’elles cumulent deux tares qui les relèguent dans les tréfonds de la société comme des esclaves. Il aurait été intéressant que le récit développe plus ces thèmes culturels et sociaux pour que nous comprenions bien que les Chinois d’aujourd’hui n’ont peut-être pas totalement rompu avec la Chine ancestrale et que pour les comprendre il faudrait que nous comprenions mieux leur culture et leur histoire.

Ce pourrait être un bon livre pour réhabiliter la femme, la fille, la servante et tous les exploités dans cette société patriarcale où il faut être riche et le montrer avec ostentation pour exister. Lisez le en oubliant un peu l’histoire, dans le genre il y a beaucoup mieux dans notre littérature.

Débézed - Besançon - 76 ans - 24 janvier 2009