L'Ombre de Ismail Kadare

L'Ombre de Ismail Kadare

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Tistou, le 9 décembre 2008 (Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans)
La note : 4 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (41 348ème position).
Visites : 4 080 

Confuse

Confuse que cette « Ombre ». Rédigée entre 1984 et 1986, en Albanie, il n’a été publié qu’en 1994, en France, puis ultérieurement en Albanie. La quatrième de couverture nous apprend que le manuscrit avait été placé en lieu sûr, dans un coffre de banque à Paris, avec mission de le publier en cas « d’accident ».
C’est que cette « Ombre » nous raconte les tribulations et les états d’âme d’un cinéaste albanais, pas vraiment talentueux, mais qui, suite à divers concours de circonstances, fait partie des privilégiés qui peuvent occasionnellement se rendre à l’étranger. En l’occurrence en France. Et donc cette « Ombre » est effectivement ouvertement critique envers le régime albanais et son « Guide Suprême » : Enver Hojda.
Comme d’habitude avec Kadaré, le parallèle, l’inclusion de passages mythologiques, bibliques ou de vieilles légendes albanaises est permanent. Toutefois ce roman ne passe pas aussi bien que d’autres déja lus. La psychologie du cinéaste en question, notamment, est tortueuse et ne me parait pas conforme à une réalité tangible. On n’y croit guère. Pire, il ne nous est pas vraiment sympathique.
Alors on le suit dans ses passages à Paris, venant de « l’enfer ». Là il tombe amoureux, ou plutôt non, il se passionne pour une actrice française, idéalisée. Ce ne sont que chassé-croisés, occasions manquées, le tout sur dénigrement du régime albanais. Et puis ses amis qui le harcèlent, à chacun de ses retours en Albanie, sur les bonnes fortunes qu’il a pu connaître à Paris, au point de l’inhiber et de le mettre sous une pression que Kadaré a du mal à nous faire passer pour crédible.
Un peu difficile tout ceci et presque ; un peu vain. Dommage.

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Les éditions

  • L'ombre [Texte imprimé], roman Ismaïl Kadaré trad. de l'albanais par Jusuf Vrioni
    de Kadare, Ismail Vrioni, Jusuf (Traducteur)
    Fayard
    ISBN : 9782213027562 ; 18,90 € ; 01/09/1994 ; 257 p. ; Broché
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L'avis de Patryck Froissart

10 étoiles

Critique de FROISSART (St Paul, Inscrit le 20 février 2006, 76 ans) - 24 mars 2009

Titre : L’Ombre
Auteur : Ismail Kadaré
Traduit de l’albanais par Jusuf Vrioni
Editeur : Fayard - 1994
ISBN : 2213027560
258 pages


Le narrateur, personnage central, cinéaste sans avenir, est Albanais, sous le régime communiste de Hodja, dans un pays qui a été amené à se refermer sur lui-même pour résister aux pressions politiques occidentales.

Grâce aux pouvoirs d’appareil d’un oncle qui compte parmi les cadres du parti, il a l’opportunité d’aller étudier à Moscou puis de se rendre de temps en temps à Paris au titre de représentant officiel du cinéma albanais.

Le roman tourne autour du corps féminin, et de l’obligation morale absolue, pour un « homme de l’Est » qui peut franchir les frontières, de multiplier les conquêtes et de les relater, de retour au pays, dans leurs plus intimes détails, en partage, aux camarades obsédés par le désir de « consommer » d’abord de la Russe, lors des études à Moscou, ensuite et surtout de l’occidentale, mieux, de la Parisienne, ce fruit défendu, ce produit de luxe, symbolique de la décadence capitaliste.

On n’est donc pas étonné, une fois exprimée cette règle, de suivre le narrateur, au cours de ses missions dont l’objectif n’a ni importance ni sens, dans l’évocation de ses liaisons moscovites et dans les intrigues amoureuses qu’il va vivre à Paris.

Mais à Paris il rencontre Sylvaine, avec qui sa relation est d’une autre nature, en face de qui il perd son statut d’homme habitué, par tradition, à ne voir en la femme que le sexe, à cause de qui il devient impuissant à exprimer sa virilité avec une autre belle Parisienne, Madame V.

Son amour pour Sylvaine, qui croît de séjour en séjour, est empreint d’angoisse. Il est tourment, La sexualité y est latente, obsédante, mais refoulée, alors même que le personnage possède des photos, que Sylvaine lui a données, qui la montrent nue.

Notre héros, lors de son ultime voyage et de leurs dernières rencontres, tente de se persuader qu’il ne peut accomplir l’acte qu’attendent de lui ses camarades restés au pays parce qu’il voit en Sylvaine sa sœur, et que le retient l’interdit de l’inceste.

Ce récit tourmenté, fait à la première personne par un homme torturé par les frustrations engendrées par son contexte historique, est celui d’un amour qui, foncièrement, ne peut se réaliser, parce qu’il signifierait pour le héros le franchissement définitif, irréversible de la frontière qui l’enferme dans son pays, dans sa culture, dans sa personne.

Roman d’une grande puissance.

Patryck Froissart
Plateau Caillou, le 24 mars 2009

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