Toute une vie
de Jan Zábrana

critiqué par Donatien, le 27 novembre 2008
(vilvorde - 81 ans)


La note:  étoiles
Petit livre noir du communisme tchèque
Patrik Ourednik, auteur d"Europeana", très bon livre-résumé sur l'histoire du monde , a sélectionné une série de textes du journal de l'écrivain tchèque Jan Zabrana (1931-1984).

Ce recueil concerne la période de normalisation politique imposée par la Russie en 1969.
Le ton est donné d'emblée : "quand je pense à l'année 1950 et aux suivantes, j'ai envie de hurler comme un chien, aujourd'hui encore...On ne devrait pas gémir, être sentimental? Vraiment? Je n'ai que faire de ce moralisme de chefs-scouts."

Il est en effet intraitable!
Ses parents avaient été condamnés respectivement à 18 ans de prison pour sa mère, et 10 ans pour son père!

Le ton est rageur, sans concession pour les coupables.
Ce petit livre de 158 pages est un résumé implacable de tous les mécanismes des régimes totalitaires.
La peur, les délations, la toute-puissance de la police, l'acculturation brisent presque toutes les résistances.
Il raille les intellectuels occidentaux pour leur angélisme ou leur inconscience criminelle. Jean-Paul Sartre, Allen Ginsberg, Ezra Pound sont cités.
Paul Eluard, poète français, ,refuse d'aider un poète tchèque victime des procès politiques.
Voici ce que Zabrana en dit : "Son âme (celle d'Eluard), roulée dans les excréments de la lâcheté, émet de l'ambre jusque de l'au-delà...

Même après la livration de la Tchécoslovaquie ; "Je suis un prisonnier qui n'a pas quitté sa prison après l'ouverture des portes...cette longue réclusion a de toute façon détruit, déformé ma vie à tel point qu'il est devenu inutile de s'essayer, de s'efforcer à quoi que ce soit".

C'est cette ténacité de ne pas oublier qui est vitale.

L'oubli de l'histoire et des disparus qui sont d'ailleurs les thèmes importants de certains écrivains majeurs du XXème siècle (dont W.G.Sebald).
Je les crois fondamentaux.

Jan Zabrana met en exergue une phrase de Boris Pasternak( du Docteur Jivago), soit : "Je n'aime pas les gens indifférents à la vérité".

Moi de même.