Mathématiques congolaises
de In Koli Jean Bofane

critiqué par Pascale Ew., le 25 novembre 2008
( - 56 ans)


La note:  étoiles
Rouages de la manipulation politique
Célio Matemona, dit Célio Mathématik, est un jeune homme congolais orphelin, issu des quartiers pauvres et au chômage. Il est féru de mathématiques et applique des théories mathématiques à toutes les situations qu’il rencontre dans la vie. Il est remarqué par Gonzague Tshilombo, directeur du Bureau Informations et Plan, qui l’engage comme conseiller, grassement payé pour se l’attacher à coup sûr. Sa mission consiste en fait à manipuler l’opinion publique nationale ou internationale en faveur de la présidence, et ce par tous les moyens possibles, de préférence illégaux. Les machinations et complots se succèdent, tous plus énormes les uns que les autres, grâce à la collaboration des médias. Et cela permet au pouvoir de rester en place, tout en maintenant le peuple dans la famine.
Célio y perdra-t-il son âme ?
Ce livre est criant de vérité, extrêmement réaliste et m’a ouvert les yeux sur des événements auxquels il est fait allusion. Ces dirigeants africains sont vraiment démoniaques ! Une phrase m’a plus particulièrement marquée : « vaudra-t-il mieux, pour certains sur cette terre, comme le panda ou le phoque, confier ses intérêts au WWF ou Greenpeace plutôt qu’à l’ONU ? »
à lire ! 7 étoiles

Bon roman, avec de l'humour et des vrais bouts de réalités dedans. Style agréable, maîtrisé et efficace.
Auteur à suivre, me concernant.

Ronanvousaime - - 49 ans - 3 novembre 2013


Pendant que les riches s'enrichissent... 8 étoiles

Et derrière cette misère, ces turpitudes, ces coups fourrés, l’ombre des pays riches qui en profitent joyeusement.

L’auteur note au passage que, parmi les effets de la faim, il y a le fait qu’elle agit « aussi par constriction du sens moral et d’autres valeurs aussi élevées ». Le roman nous en donne moult exemples.

Amusant. Pourquoi les missionnaires avaient tous la même apparence quand ils sont arrivés en Afrique ? Parce que, au début, on les a tués, mais toujours ils revenaient, identiques, barbiche poivre et sel, longue soutane blanche, sandales en cuir, casque colonial, même discours. A la longue, on a cru comprendre que les types étaient invincibles et on a fini par les écouter.

Le partage mondial du travail. Les Noirs travaillent dans les mines pour extraire des métaux rares qui ont pour but de les asservir encore davantage puisqu’ils sont envoyés dans l’espace afin de les surveiller sous l’œil des satellites et « au cas où certains aspects de cette globalisation seraient mal perçus par ces populations, ce même cuivre reviendrait immanquablement, sous forme de blindage de balles de 7,62 crachées avec hargne par quelques kalachnikovs… ».

« Dans une société asservie par l’image, ce qu’elle représentait était supérieur même à la vérité ». « L’image (…) avait encore de beaux jours devant elle pour mentir aux peuples ».
Non, il ne parle pas spécifiquement de la Libye ou de la Côte d’Ivoire aujourd’hui où toutes les images nous enjoignent de prendre parti pour les « méchants » désignés par les medias occidentaux. On croirait pourtant.

Bolcho - Bruxelles - 75 ans - 10 avril 2011


fleuve de cruauté et de malheurs 8 étoiles

Une plume à l’humour exotique attachant nous décrit sans détours l’horreur de la nomenklatura qui règne en maître incontesté sur le peuple rampant de Kinshasa. Cette frange dorée, habillée chez Armani vit sur le terreau putride de ses trahisons, de ses assassinats, ses disparitions, méprisant toute référence aux droits de l’homme, adversaires féroce de démocratisation et d’élections libres, jouant la corruption, l’intox, la manipulation des médias, pire que le 1984 de Georges Orwell. Célio, le héros, sorte de Rastignac saisit la chance de s’élever dans ces sphères empoisonnées, papillon émerveillé, enfin capable de manger plus qu’un jour sur deux et de ne pas vivre comme un loqueteux. Inéluctable et le lot de tous, la faim tapie dans chaque estomac, avec ses comparses, la malaria, le sida, est un personnage à part entière qui attend ses victimes tout autant que la Grande faucheuse chez Lafontaine. A un cheveu près, Celio, l’orphelin, sans attaches ou presque, sorte de Rainman rêveur de la mathématique se fourvoierait et perdrait son âme. Il bascule mais constate que la vengeance n’assouvit pas ses désirs. Histoire d’une révolution, d’une rédemption, la fin du livre s’ouvre sur l’espoir et Faust n’a pas vendu son âme. En filigrane, c’est sa bible, le livre de mathématique, dernier souvenir de son père, et sa relation quasi filiale avec son seul ami et prêtre qui lui permettent de s’accrocher dans ce fleuve de cruauté et de malheurs.
Livre intéressant, dur à digérer et pas passionnant vu l’extrême des turpitudes décrites, les scènes insoutenables de violence, le cynisme élevé en loi. Guerre civile, sexe, pouvoir, sorcellerie, tout pour déplaire. Sans doute une description lucide d’un peuple privé de tout, aux mains indélicates de nantis plus impérialistes que les blancs pourtant voués aux gémonies.

Deashelle - Tervuren - 15 ans - 8 avril 2010