Il était une fois une ville
de Pierre Samson

critiqué par Clo7, le 21 novembre 2001
(Charleroi - 24 ans)


La note:  étoiles
Moi : Ouro Preto
Une ville – Ouro Prêto, narratrice, personnage vivant dans laquelle évolue des hommes et Roberto de Nascimento à deux époques de sa vie séparées par un intervalle de vingt-cinq ans voilà les ingrédients de ce troisième volet brésien de Pierre Samson.

Pour la première fois depuis un quart de siècle, le journaliste revient à Ouro Prêto, sa ville natale qu’il avait fuie à l’époque de la dictature dans des circonstances mystérieuses. En 1973, ce fils de bonne famille était tombé amoureux de Luiza, une révolutionnaire noire. En 1998, Roberto envoyé en "mission touristique" à Ouro Prêto rencontre un autre amour et une foule de personnages étranges dont plusieurs hurluberlus. Ce retour aux sources devient pour Roberto un pèlerinage hallucinant au pays de la mémoire et des regrets, ainsi que l'occasion de douloureuses retrouvailles entre lui, créature écorchée vive, et une ville à l'agonie. « Il était une fois une ville » est une oeuvre très personnelle, ambitieuse par sa structure narrative et son ampleur. Violence, passion et sensualité sont présents au coeur d'une métaphore religieuse, chemin de croix dans les méandres d'une ville-personnage.
L'écriture est toujours d'une tenue sans faille mais l’auteur peut intimider les lecteurs frileux, en raison de sa forme, les mots fusent de toutes parts, les idées s’entrechoquent. Les descriptions détaillées de nefs, de plafonds ouvragés, de colonnes et de statues de saints sont un magnifique témoignage d’une ville. Elles donnent l'envie de partir sur place. A défaut de voyage, avec ce livre nous prenons quelques heures d'évasion sans même prendre l'avion.

Perle de lecture : « Pauvreté qui s'étale est moins affligeante que misère qui s’empile »
Journaliste homosexuel du Brésil 9 étoiles

Avec Il était une fois une ville, Pierre Samson emmène son lecteur à Ouro Preto, où l'or fit jadis sa gloire ainsi que ses églises baroques du 18e siècle. Le héros s'y rend à titre de journaliste pour rédiger un reportage sur ces édifices religieux, témoins de l'histoire de la ville.
Qu'ils occupent le coeur de l'oeuvre ne surprend pas, mais la manière d'en faire des personnages répond à la qualité première de ce roman. La constructions de ces bijoux d'architecture témoigne des strates sociales comme de la vie à Ouro Preto. Roberto en fera donc le tour. Dans son article, il tentera de décortiquer l'entité formée par la population et les quatorze églises de la ville. Ce n'est pas le clergé qu'il rencontrera, mais ceux et celles qui ont été façonnés par ce milieu jadis si propère, mais devenu au cours des ans un véritable « chemin de croix ». Le héros est à même d'indiquer qu'il était une fois une ville... car, du temps de ses études, il est un membre actif de cette communauté. Attiré par la gauche, il participe même à des activités criminelles pour faire triompher la « cause ». Heureusement, un ami avocat de son père le tire de ce mauvais pas.
Tout ce canevas soutient les balbutiements de la personnalité du héros alors qu'à 25 ans, il se pose des questions existentielles. Et la première a trait à son orientation sexuelle. Question douloureuse s'il en est quand la situation laisse perplexe. Il se voit avec des tas de bracelets pour enjôler les hommes à « la devanture bovine capitonnée de muscles ». S'accepter comme tel dans un univers encore « homophobe » exige un cheminement pénible. L'auteur décrit donc le travail laborieux accompli par cet homme en quête d'identité.
Les voyeurs seront déçus, car il ne s'agit pas de jeux entre invertis consentants. Le débat de l'orientation sexuelle transcende le niveau des pratiques. L'auteur analyse plutôt l'envahissement du coeur par le désir. L'auteur a choisi une voie très littéraire pour l'exprimer, autant pour l'écriture que pour la technique. Tout en flash-back et en projections fantasmatiques, ce magnifique roman exige une lecture attentive. C'en vaut la peine parce que c'est une oeuvre riche, qui englobe le milieu de vie des héros. Et le dénouement amené avec élégance se présente comme un sourire aux lecteurs pour leur dire : « «a, vous ne l'attendiez pas. »

Libris québécis - Montréal - 82 ans - 30 novembre 2003