Dans le nu de la vie de Jean Hatzfeld

Dans le nu de la vie de Jean Hatzfeld

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire , Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Septularisen, le 8 novembre 2008 (Luxembourg, Inscrit le 7 août 2004, 56 ans)
La note : 10 étoiles
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UN GENOCIDE N’EST PAS UNE GUERRE… C’EST UN PROJET D’EXTERMINATION!

«Dans le nu de la vie» est le premier volume d’une trilogie que Jean HATZFELD a consacrée au génocide Rwandais de 1994. Les deux autres volets sont «Une saison de machettes» (2003), et «La stratégie des antilopes» (2007) déjà présents sur CL.

Rappelons brièvement les faits : le 6 avril 1994, vers 20 heures le est assassiné dans l’explosion de son avion près de l’aéroport de Kigali. Cet attentat met le feu aux poudres et dès le lendemain matin, commencent des assassinats de personnalités démocrates (dont la Premier ministre hutue, Agathe UWILINGIYIMANA).
C’est le début du génocide, en une centaine de jours, la population Hutue, devenue comme folle, massacrera avec des armes rudimentaires (machettes, lances, flèches, gourdins…) entre 800.000 et un million de personnes de l’autre grande ethnie du pays : les Tutsis.

Jean HATZFELD a mené son enquête dans la commune de Nyamata, et interrogé des dizaines de personnes, rescapés Tutsis, et est parvenu à les convaincre de sortir de leur silence. Il regroupe ici le témoignage de 14 personnes, dont une d’ailleurs de l’ethnie Hutue, qui ont vécu ce génocide. Ces récits d’hommes, de femmes, d’enfants ayant réchappé quasiment par miracle aux différents massacres sont saisissants… saisissants d’horreur, de vérité, de singularité, d’authenticité, de spontanéité, de violence, de clairvoyance…

Ce qu’ils racontent est effrayant! Comment les milices extrémistes hutues de l’«interahamwe», («l’unité» en Rwandais), créées à l’initiative du parti du président Juvénal HABYARIMANA, se rendaient donc «au boulot» tous les jours de la semaine de 09h30 à 16h00…leur «travail» consistant bien sûr à aller pourchasser et tuer les Tutsis partout où ils ont trouvé refuge, dans les marais, les plantations, les églises, les maisons…
S’en suivent des scènes de terreur littéralement surréalistes… où l’on voit p. ex. des rescapés assister au meurtre de leurs parents, de leurs enfants… ou leur femme se faire découper à la machette à quelques mètres d’eux, sans pouvoir intervenir… Des maris tuer leur femme et leurs enfants parce qu’ils sont de l’autre ethnie… Des enfants assister au viol, puis au meurtre de leur mère… Des voisins tuer leurs amis de toujours, des professeurs tuer leurs collègues, des femmes enceintes sont éventrées pour tuer les fœtus…

Pour se rendre compte de l’ampleur de ces massacres, il suffit de dire que la population de la commune de Nyamata, en mars 1994, à la veille du génocide, était de 119.000 habitants. 60.000 étaient d’ethnie Hutus et 59.000 Tutsis. Environ 50.000 Tutsis ont été assassinés sur le territoire de cette commune, entre le 11 avril 11h00 et le 14 mai 1994 à 14h00… La population s’élève aujourd’hui à 67.000 habitants, dont 6.000 prisonniers dans le pénitencier de Rilima. La commune recense 13.386 orphelins…

Il serait bien trop insignifiant de raconter l’un ou l’autre des témoignages (et puis d’abord comment en choisir un et pas un autre?) contenus dans ce magnifique livre… il faut vraiment les lire, pour se rendre compte soi même, de toute l’horreur contenue dans ces pages, dans ces témoignages, dans ces phrases, dans ces mots…
Je me bornerai à dire que, aussi étonnant que cela paraisse, à aucun moment on ne sent de désir de vengeance, ou de méchanceté dans les témoignages des rescapés Tutsis… tous se demandent simplement comment une telle chose a pu se produire…

J’aimerais, enfin, juste dire un mot sur une autre particularité de ce livre : le langage. En effet dans un souci d’authenticité, l’auteur a conservé pour les témoignages le langage parlé original des populations du Rwanda… on trouve ainsi des néologismes incroyables, p. ex. les tueurs «coupaient» et non pas découpaient à la machette, les voisins sont les «avoisinants», et on «attrape» un travail ou… un bébé… vraiment magnifique!

Il est des livres dont on voudrait tant réussir à faire une très bonne critique, afin de donner l’envie aux plus grand nombre de les lire et de les aimer à leur tour, qu’il devient difficile d’en faire une critique… «Dans le nu de la vie» de Jean HATZFELD est, bien sûr, un de ces livres…

Prix France Culture 2000.

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Les éditions

  • Dans le nu de la vie [Texte imprimé], récits des marais rwandais Jean Hatzfeld
    de Hatzfeld, Jean
    Seuil / Points (Paris)
    ISBN : 9782020530569 ; 7,00 € ; 12/01/2005 ; 233 p. ; Poche
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