L'enlèvement de Bill Clinton de Cyrille Martinez

L'enlèvement de Bill Clinton de Cyrille Martinez

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Dirlandaise, le 19 octobre 2008 (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 68 ans)
La note : 8 étoiles
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Gloire et misère de Sarajevo

Premier roman de Cyrille Martinez, un jeune bibliothécaire et poète marseillais. Nous sommes en 1994 à Sarajevo. La ville est assiégée et le narrateur décrit la vie d’un jeune homme récemment engagé dans la résistance, qui attend que la guerre se termine pour pouvoir reprendre ses activités d’avant et retourner à sa passion première : l’écriture. En attendant ce moment béni, Nedim Hrbat se terre chez lui, fume cigarette sur cigarette, se fait chauffer de l’eau pour le thé et surveille la rue et ses rares habitants qui osent encore sortir malgré la menace des tireurs isolés. Nedim songe. En effet, la presque totalité du roman est constituée des souvenirs que le jeune soldat se remémore de la ville de Sarajevo avant le conflit qui la ravage. De fréquents retours en l’année 1984, année des jeux olympiques d’hiver dominés par la belle Katarina Witt au patinage et du délinquant voleur de voitures Bill Johnson, un Californien de vingt-quatre ans qui ramène aux USA sa première médaille d’or en descente olympique masculine. Nedim ne cesse de comparer l’état de la ville qui est passée de la gloire de 1984 au désastre de 1994 et le jeune homme essaie de comprendre ce qui a bien pu se passer entre les deux décennies pour en arriver à un tel effondrement. Sa morne vie de résistant est cependant interrompu par un coup de semonce : on annonce l’enlèvement de Bill Clinton venu prononcer un discours dans la ville assiégée malgré le danger et les nombreux avertissements de ses conseillers les plus proches.

Un roman à l’écriture très dense qui n’est pas sans rappeler l’excellent « Parfum de poussière » de Rawi Hage tant au niveau du rythme que des thèmes abordés. J’ai beaucoup aimé ce premier roman de Martinez. Avec un déluge de mots, il nous plonge dans un univers de sensations troubles, de peur, d’angoisse, de pluie d’obus, de phosphore qui illumine la nuit, d’incendies qui font rage, de lutte pour trouver des denrées afin de tenir encore un peu plus dans cet enfer qu’est une ville sous les bombes. C’est une écriture un peu difficile cependant. Ce n’est pas fluide, cela demande un effort de concentration afin de bien comprendre le récit. Mais j’aime ce style et j’en redemande ! Un auteur à suivre !

« Déjà l’espace vital commençait à manquer, les parties habitables à se rétrécir d’un jour sur l’autre, d’un jour sur l’autre le paysage alentour n’était jamais identique à celui que tu avais gardé en mémoire, si mémoire est le mot, un bâtiment tombait, une façade était éventrée, une voie était ouverte ou un passage était obstrué, c’était selon, rien n’était fixe excepté l'état de siège, la ville se désintégrait à partir de son centre, comme lorsqu’un écrin implose, affaissement du son, réduction de l’image, écran noir. »

« L’acide phosphorique avait été déversé en quantité suffisante pour que l’incendie dure pile le temps d’un long métrage — L’illumination avait un côté grand spectacle, un spectacle de moins de deux heures, une longue séquence éclairée au phosphore, la bande-son crépitante s’accordait au surcroît de brillance, à l’inflation de radiations, un relent dégueulasse infectait les salles de lecture et les rayonnages se consumaient à mesure, les lettres sautaient, les lignes étouffaient, les feuillets étaient réduits au silence. »

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