1491 : Nouvelles révélations sur les Amériques avant Christophe Colomb
de Charles C. Mann

critiqué par Gryphon, le 16 octobre 2008
(Mexico DF - 59 ans)


La note:  étoiles
Ce que Colomb n'a pas découvert
On connaît le poncif: un beau jour en 1492, une horde de blanc-becs débarque sur un continent qu'ils croient être l'Inde et découvrent une nature vierge parsemée de quelques sauvages bons ou mauvais, nomades ou sédentaires, végétariens ou cannibales.

Faux, nous dit Charles C. Mann. Les quelques sauvages étaient des millions et la nature pas si vierge que ça, en fait le résultat d'un agencement humain, ce qui vaut aussi bien pour les prairies du Midwest des États-Unis que la forêt de l'Amazone. Et d'ailleurs, le Nouveau Monde était bien plus peuplé que l'Ancien, des civilisations s'y sont développés à la même époque que les Sumériens. C'est à peu près l'idée que défend Mann dans son livre "1491" et à vrai dire, on va de surprise en surprise.

Donc, si millions d'indigènes il y avait, où sont-ils passés? Il y a plusieurs pistes, je vous laisse les découvrir, mais en attendant j'ai eu l'impression que les explications de Mann sont bien plausibles. Il fallait sans doute être journaliste américain pour avoir le toupet de se frotter aux résultats de recherches actuelles, d'y rajouter ses enquêtes personnelles en partant de zéro. En tant que journaliste justement, il ne prend pas part aux querelles académiques, ou alors de manière sporadique seulement, mais se borne à les exposer. Ce qui fait de ce livre de la vulgarisation de très haut niveau, mais aussi des recherches en cours. Après tout, que sait-on réellement des Amériques précolombiennes?

Deux constatations: la première, c'est que la recherche actuelle s'oriente de plus en plus vers la transdisciplinarité. Un seul Indiana Jones, mettons, n'aurait pas pu parvenir à de tels résultats. Il lui faut l'aide de climatologues, botanistes, généticiens, géographes, anthropologues, linguistes, virologues, paléontologues et j'en passe, chacun y apporte son grain de sel suivant sa discipline. Après, bien entendu, le problème sera de rassembler et d'interpréter le tout, la fameuse vision d'ensemble.

Seconde constatation - et à condition que l'idée d'une intervention humaine dans l'espace naturel américain se vérifie - c'est que ça change profondément les données du concept de "Nature". C'est même une grosse baffe que reçoivent tous ceux qui attribuent une qualité morale à la nature, qui prétendent que ce qui est naturel est moralement bon, tous ceux qui opposent la nature à la culture et qui oublient que "Nature" est un concept culturel. Bref, ce qu'on nous vend comme naturel est le résultat d'une intervention humaine, parfois chèrement payée. Qu'il n'y a donc pas d'harmonie naturelle, seulement de la bonne ou de la mauvaise gestion. Marrant, non?