L'irremplaçable expérience de l'explosion de la tête
de Michael Guinzburg

critiqué par Kinbote, le 3 octobre 2008
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Le dernier peintre
Des têtes qui tombent, des yeux qui giclent, c’est l’apothéose d’une crise qui commence par des hoquets et qui atteint de plus en plus de gens de Cashampton. Cashampton, c’est une petite ville balnéaire des Etats-Unis où a vécu et où est mort Jackson Pollock. Quarante ans plus tard, Roger Lymon, journaliste qui a comme projet d’écrire une biographie, si possible sulfureuse, du célèbre peintre se rend sur les lieux et rencontre des personnages hauts en couleurs (excentriques, artistes conceptuels, collectionneurs). Tous ont peu ou prou un rapport avec le peintre coureur et alcoolique… Sur place, il se fait l’ami de L’homme-aux-perles, homme devenu mystérieusement riche et qui écrit. Lymon lit un de ses textes qu’il prend pour une fiction…

Le style est enlevé, nourri de nombreux dialogues, de multiples personnages (parmi lesquels on se perd un peu), ironique et souvent désopilant. Il arrive à faire rire avec les scènes d’épouvante qui prennent l’allure d’une farce. Les clins d’œil à des écrivains attestent de l’érudition de l’auteur. Ainsi Camus dont "La peste" à laquelle, quand les morts s’intensifient, il est fait allusion. Le monde de l’art est furieusement croqué comme avec ce passage où des sculptures sont exposées dans une piscine et qui seront toutes vendues.

Comme le souligne la quatrième de couverture, il s’agit aussi d’une réflexion, certes placée sous le signe de la dérision, sur l’art et la fin de la peinture dont Pollock fut peut-être le dernier représentant. Après vint Warhol (lui-même longtemps après Duchamp) et on ne pouvait plus prendre au sérieux l’art pictural. Pollock fut un peu le chant du signe de la peinture, les derniers feux lancés par Picasso dont Pollock était admiratif. On peut d’ailleurs comparer ses œuvres au résultat d’une explosion, de laquelle le regard serait absent, où il n’y aurait plus rien à voir qu’un paysage de fin ou de début du monde, une cartographie muette. Pollock ne devait pas avoir de descendance, génétique ou artistique, c’est ce qu’affirme ce roman avec force et humour noir.
Pas son meilleur livre, mais une perle malgré tout 8 étoiles

Je suis absolument fan de l'auteur, donc j'ai commandé le livre et l'ai dévoré avec appétit. Comme d'habitude, Guinzburg construit son petit monde en même temps que son roman. Avec son petit monde vient son vocabulaire, ses perspectives un peu sombres et une meta-histoire, satire de l'art contemporain qui s'efforce de persister alors qu'il a perdu son âme.

Même si j'ai préféré, du même auteur, "le voleur de briquets" et "Gangster en rouge" (qui sont malheureusement aujourd'hui introuvables), je conseille "L'Irremplaçable Expérience de l'explosion de la tête" les yeux fermés.

Lisa H - - 47 ans - 29 novembre 2014